Category Archives: PHILOSOPHIE

Diderot: Une expérience peut-elle réfuter une démonstration ?

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Un fait suffit pour ruiner une démonstration

            Nous avons distingué deux sortes de philosophies, l’expérimentale et la rationnelle. L’une a les yeux bandés, marche toujours en tâtonnant, saisit tout ce qui lui tombe sous les mains, et rencontre à la fin des choses précieuses. L’autre recueille ces matières précieuses, et tâche de s’en former un flambeau ; mais ce flambeau prétendu lui a, jusqu’à présent, moins servi que le tâtonnement à sa rivale, et cela devait être. […] La philosophie expérimentale ne sait ni ce qui lui viendra ni ce qui ne lui viendra pas de son travail ; mais elle travaille sans relâche. Au contraire, la philosophie rationnelle pèse les possibilités, prononce et s’arrête tout court. Elle dit hardiment : on ne peut décomposer la lumière : la philosophie expérimentale l’écoute, et se tait devant elle pendant des siècles entiers ; puis tout à coup elle montre le prisme, et dit : la lumière se décompose.

DIDEROT, De l’interprétation de la nature, XXIII

Pascal: Peut-on tout prouver ?

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Toute démonstration suppose des indémontrables

 

            Je ne puis faire mieux entendre la conduite qu’on doit garder pour rendre les démonstrations convaincantes, qu’en expliquant celle que la géométrie observe.

            Mais il faut auparavant que je donne l’idée d’une méthode encore plus éminente et plus accomplie, mais où les hommes ne sauraient jamais arriver : car ce qui passe la géométrie nous surpasse ; et néanmoins il est nécessaire d’en dire quelque chose, quoiqu’il soit impossible de le pratiquer.

            Cette véritable méthode, qui formerait les démonstrations dans la plus haute excellence, s’il était possible d’y arriver, consisterait en deux choses principales : l’une, de n’employer aucun terme dont on n’eût auparavant expliqué nettement le sens ; l’autre, de n’avancer jamais aucune proposition qu’on ne démontrât par des vérités déjà connues ; c’est-à-dire, en un mot, à définir tous les termes et à prouver toutes les propositions. […]

Certainement cette méthode serait belle, mais elle est absolument impossible : car il est évident que les premiers termes qu’on voudrait définir en supposeraient de précédents pour servir à leur explication, et que de même les premières propositions qu’on voudrait prouver en supposeraient d’autres qui les précédassent ; et ainsi il est clair qu’on n’arriverait jamais aux premières.

            Aussi, en poussant les recherches de plus en plus, on arrive nécessairement à des mots primitifs qu’on ne peut plus définir, et à des principes si clairs qu’on n’en trouve plus qui le soient davantage pour servir à leur preuve. D’où il paraît que les hommes sont dans une impuissance naturelle et immuable de traiter quelque science que ce soit dans un ordre absolument accompli.

            Mais il ne s’ensuit pas de là qu’on doive abandonner toute sorte d’ordre. Car il y en a un, et c’est celui de la géométrie, qui est à la vérité inférieur en ce qu’il est moins convaincant, mais non pas en ce qu’il est moins certain. Il ne définit pas tout et ne prouve pas tout, et c’est en cela qu’il lui cède ; mais il ne suppose que des choses claires et constantes par la lumière naturelle, et c’est pourquoi il est parfaitement véritable, la nature le soutenant au défaut du discours. Cet ordre, le plus parfait entre les hommes, consiste non pas à tout définir ou à tout démontrer, ni aussi à ne rien définir ou à ne rien démontrer, mais à se tenir dans ce milieu de ne point définir les choses claires et entendues de tous les hommes, et de définir toutes les autres ; et de ne point prouver toutes les choses connues des hommes, et de prouver toutes les autres. Contre cet ordre pèchent également ceux qui entreprennent de tout définir et de tout prouver, et ceux qui négligent de le faire dans les choses qui ne sont pas évidentes d’elles-mêmes.

PASCAL, De l’esprit de géométrie, dans Pensées et Opuscules, IIIe partie, chap. XV

Descartes: Existe-t-il un moyen assuré de parvenir à des vérités certaines ?

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Les règles de la méthode

Et comme la multitude des lois fournit souvent des excuses aux vices, en sorte qu’un Etat est bien mieux réglé, lorsque, n’en ayant que fort peu, elles y sont fort étroitement observées ; ainsi, au lieu de ce grand nombre de préceptes dont la logique est composée, je crus que j’aurais assez des quatre suivants, pourvu que je prisse une ferme et constante résolution de ne manquer pas une seule fois à les observer.

            Le premier était de ne recevoir jamais aucune chose pour vraie, que je ne la connusse évidemment être telle : c’est-à-dire d’éviter soigneusement la précipitation et la prévention ; et de ne comprendre rien de plus en mes jugements, que ce qui se présenterait si clairement et si distinctement à mon esprit, que je n’eusse aucune occasion de le mettre en doute.

            Le second, de diviser chacune des difficultés que j’examinerais, en autant de parcelles qu’il se pourrait et qu’il serait requis pour les mieux résoudre.

Le troisième, de conduire par ordre mes pensées, en commençant par les objets les plus simples et les plus aisés à connaître, pour monter peu à peu, comme par degrés, jusqu’à la connaissance des plus composés ; et supposant même de l’ordre entre ceux qui ne se précèdent point naturellement les uns les autres.

            Et le dernier, de faire partout des dénombrements si entiers, et des revues si générales, que je fusse assuré de rien omettre.

            Ces longues chaînes de raisons, toutes simples et faciles, dont les géomètres ont coutume de se servir, pour parvenir à leurs plus difficiles démonstrations, m’avaient donné occasion de m’imaginer que toutes les choses qui peuvent tomber sous la connaissance des hommes s’entre-suivent en même façon, et que, pourvu seulement qu’on s’abstienne d’en recevoir aucune pour vraie qui ne le soit, et qu’on garde toujours l’ordre qu’il faut, pour les déduire les unes des autres, il n’y en peut avoir de si éloignées, auxquelles enfin on ne parvienne, ni de si cachées qu’on ne découvre.

DESCARTES, Discours de la méthode, IIe partie

Valla: Dieu prévoit nos actes sans qu’ils soient nécessaires

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La thèse de Lorenzo est que Dieu prévoit nos actes sans qu’ils soient nécessaires (ce qui permet au jugement moral de s’exercer à leur sujet). Prévoir n’équivaut pas à prédire. La trahison de Judas était prévue par Dieu, mais c’est Judas qui porte la responsabilité de sa trahison. Continue Reading

Abélard: Le plaisir sexuel est-il un péché ?

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La morale de l’adhésion et du refus intérieurs prônée par Abélard est, sur le fond, d’une extrême rigueur. Elle n’a pu passer pour laxiste qu’au prix d’une incompréhension radicale. Son aspect critique n’en reste pas moins impressionnant, comme en témoignent ces quelques lignes consacrées au statut du plaisir sexuel où Abélard applique toutes les ressources de l’argumentation dialectique. Continue Reading

Platon: le mythe de Prométhée

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            Mais la science d’Epiméthée n’était pas sans limites : il ne s’était pas aperçu qu’il avait dépensé toutes les facultés au profit des animaux dépourvus de parole. Il y avait encore l’espèce humaine à pourvoir, et il ne voyait pas comment il pouvait s’en tirer. Sur ce, alors qu’il était plongé dans l’embarras, Prométhée arrive et commence son inspection : il voit tous les animaux correctement équipés de tout ce qui convient, et l’homme nu, sans chaussures, sans vêtements, sans armes. Or, le jour fixé était venu : l’homme devait quitter le ventre de la terre et paraître à la lumière. Pris au dépourvu, Prométhée ne savait comment assurer le salut des hommes : alors, il s’en va dérober, auprès d’Héphaïstos et d’Athéna, l’habileté artiste et le feu (car sans le feu, l’habileté artiste ne peut être ni possédée, ni utilisée) et il en fait don aux hommes. Ainsi l’homme fut en possession de la science qui permet de vivre […]

 

Platon, Protagoras, 321b, in J-P Dumont, p 1004

Sextus empiricus

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Les dieux sont accusés par Homère et Hésiode

De tout ce qui chez nous est honteux et blâmable :

On les voit s’adonner au vol, à l’adultère

Et se livrer entre eux au mensonge trompeur.

 

Sextus empiricus, Contre les mathématiciens, IX, 193

Husserl : l’empirisme, un dogmatisme de l’expérience

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Husserl critique l’empirisme, qui réduit les choses aux choses de la nature et la réalité à la réalité ordinaire. L’impératif de connaissance « des choses mêmes », qui caractérise sa philosophie, n’implique nullement de se limiter à l’expérience et de rejeter les notions classiques d’ »idées » et d’ »essences » théorisées par la métaphysique. Continue Reading

Hume: Causalité et habitude

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Hume montre que la causalité ne provient que d’une habitude et n’a, en conséquence, de réalité que dans ou pour notre pensée : rien ne peut jamais garantir qu’elle corresponde à la façon dont les choses se passent. Dès lors, aucune explication causale n’est absolument certaine. Continue Reading

Leibniz contre Locke : caractère fictif de la « table rase »

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Leibniz fait valoir, contre Locke, que sa conception de l’âme est à la fois « abstraite » et « corporelle » — ne serait-ce que métaphoriquement. Quant à l’axiome selon lequel « il n’est rien dans l’âme qui ne vienne des sens », il est bon de rappeler qu’il méconnaît l’existence nécessaire de notions indépendantes de l’expérience. Continue Reading

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