Hume: Causalité et habitude0

Posted on novembre 23rd, 2012 in En terminale

Hume montre que la causalité ne provient que d’une habitude et n’a, en conséquence, de réalité que dans ou pour notre pensée : rien ne peut jamais garantir qu’elle corresponde à la façon dont les choses se passent. Dès lors, aucune explication causale n’est absolument certaine.

Quand un objet ou un événement naturel se présente, il nous est impossible, quelle que soit notre sagacité ou notre pénétration, de découvrir ou même de conjecturer sans expérience quel événement en résultera, ou de porter notre prévoyance au-delà de l’objet immédiatement présent à la mémoire et aux sens. Même après un seul cas ou une seule expérience, où nous avons observé qu’un événement particulier s’ensuivait d’un autre, nous ne sommes pas autorisés à former une règle générale, ou à prédire ce qui adviendra en de pareils cas ; étant à bon droit tenu pour une impardonnable témérité de juger du cours entier de la nature d’après une seule expérience, si précise ou si certaine qu’elle soit. Mais lorsque une espèce particulière d’événement a toujours été, dans tous les cas, jointe à une autre, nous ne faisons plus dorénavant aucun scrupule de prédire l’un d’après l’apparition de l’autre, et d’employer le raisonnement qui nous peut seul assurer d’une chose quelconque de fait ou d’existence. Nous appelons alors l’un des objets cause, l’autre effet. Nous supposons qu’il y a quelque connexion entre eux, quelque force dans l’un, par où il produit infailliblement l’autre, et opère avec la plus grande certitude et la plus forte nécessité.

Il apparaît donc que cette idée d’une connexion nécessaire entre des événements provient d’une pluralité de cas semblables qui se présentent, de constante jonction entre ces événements ; et cette idée ne saurait jamais être suggérée par aucun de ces cas en particulier, examiné sous tous les points de vue et dans toutes les positions possibles. Mais il n’y a rien dans une pluralité de cas, qui diffère de chacun des cas particuliers, qu’on suppose exactement semblables ; excepté seulement qu’après une répétition de cas semblables, l’esprit est porté par habitude, lorsque apparaît l’un des événements, à attendre son concomitant ordinaire, et à croire qu’il existera. Cette connexion que nous sentons dans l’esprit, cette transition habituelle de l’imagination de l’un des objets à son concomitant ordinaire, tel est donc le sentiment ou l’impression d’où nous formons l’idée de force ou de connexion nécessaire.

David HUME, Enquête sur l’entendement humain (1748), section VII, partie II

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