Category Archives: LA MÈTIS

Abstract

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Le résume de ma thèse est désormais disponible en français, en anglais et… en allemand.

Abstract

Meine Dissertation handelt vom Wissen und dem Umgang mit dem Ungewissen. Die Problematik ist nicht nur aktuell, sie ist alt, sogar archaisch. Dies ist eine der größten blackboxes der Philosophie: der Bereich, in dem sich Denken und Handeln berühren und durchdringen. Die diversen Modalitäten des Handelns und der Praxis im Allgemeinen werden von diesem Problem berührt: Ethik, Heuristik, Strategie, Organisation und Management. Die Art wie Wissenschaft betrieben wird ebenso wie die Art, eine Kunst auszuüben, oder das Probleme lösen für Ingenieure.

 

Diese Problematik durchdringt und beschäftigt alle Disziplinen, alles Wissen und alle Institutionen. Um es zu erforschen, ohne Anspruch auf Vollständigkeit zu erheben, versteht sich meine Arbeit nicht als Auflistung und Hervorhebung der Grenzen des Verstandes, das Klare dem Unklaren gegenüberzustellen, das Denkbare dem Undenkbaren, die Vernunft der Intuition. Sie nimmt  eine andere Sichtweise ein,  indem sie vielmehr vorschlägt, den Begriff der Rationalität zu erweitern und zu diversifizieren, die Gegensätze zwischen Theorie und Praxis, zwischen Wissenschaft und Kunst aufzulockern, um konkret zu erarbeiten, was sie verbindet. Es geht mir darum genau diese Zone zu beleuchten, die ihrer Trennlinie vorausgeht, diese Sphäre, die nicht ignoriert, sondern in ihren abgestuften Gegensätzen dargestellt werden soll.

 

Der Bogen ist also weitgespannt, denn er  führt von der aristotelischen phronesis über die virtù bei Machiavelli  bis zu den Studien der industriellen Strategie der Harvard Business School. Ich verwende den Begriff des „impliziten Wissens“ wie er von Michael Polanyi entwickelt wird, sehr häufig in meiner  Arbeit, zum Beispiel bei der Untersuchung seines Gebrauches bei den japanischen Theoretikern des Wissensmanagements,  Nonaka Ikujiro und Hirotako Takeuchi.

Die Arbeiten der französischen Anthropologie zur griechischen Antike waren ständig sowohl Quelle der Inspiration als auch Referenz bei der Durchführung und Vertiefung meiner Recherche, insbesondere diejenigen von Jean-Pierre Vernant und Marcel Détienne zum Begriff der mètis: die strategische, „listige“ Intelligenz, wie sie bei der Jagd, in der Politik oder im Krieg wirkt, die Intelligenz eines Odysseus, das „implizite Wissen“ in seiner Vielfalt , das sich nicht nur auf eine Instrumentalisierung , ein Kalkül des Nutzens, reduzieren läßt.

Dieses bildet die Basis meiner Arbeit und steckt ihren Rahmen, innerhalb dessen sie verschiedene wohl bekannte Problematiken durchläuft und versucht, diese  zu rekonstruieren: wie funktionieren die Wissenschaften? Was bedeutet erfinden, und wie erfindet man Neues? Wie kommt es zu implizitem Wissen und wie wird es weitergegeben? Die Art der Vermittlung impliziten Denkens, der praktischen Intelligenz  werden ständig aufmerksam beobachtet, denn sie kann dazu beitragen, andere didaktische Methoden zu entwickeln, die schneller und besser sind und die auf praktischem Lernen basieren und nicht mehr (ausschließlich) auf deduktiver Darlegung.

Die Zukunft wird zeigen, was die Unterrichtspraxis in Frankreich, auf allen Niveaus, von den neuen Technologien der Information und der Kommunikation, von der wachsenden Bedeutung der Simulation, der kollektiven Intelligenz, der gemeinschaftlichen  Innovation erwarten kann.

 

Bande-annonce de Crowntakers

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Bannière Crwontakers

 

Pour regarder  la bande-annonce sur Youtube

Kalypso Media Mobile announced their first release of the round-based Rogue-like strategy game Crowntakers on iOS and Android this week on 2nd April 2015. Just a few weeks later, Wings! Remastered Edition – a remake of the cult action aerial combat game from Cinemaware, will also be available on app stores. Additional titles are in the works.

The continued expansion of the publisher Kalypso Media, who have enjoyed phenomenal success on various platforms led to the founding of the Hamburg-based subsidiary Kalypso Media Mobile in late 2014. The goal was to create a versatile mobile games portfolio consisting both of the company’s own brands and externally produced games. Their primary focus is on delivering challenging strategy games, although sports and action titles will also form part of the line-up. Crowntakers and Wings! Remastered Edition are the first titles to be released — just months after the founding of Kalypso Media Mobile. Additional titles are slated to follow by the end of 2015.

« With Crowntakers, we present our core target group — ambitious strategy gamers — with a great gaming experience that has been meticulously tailored to mobile devices, » enthuses Marcus Behrens, Mobile Publishing Director at Kalypso. « But this is only the beginning! We are determined to gain a foothold with challenging, high-quality games in the mobile segment and to relive our successes from PC and console gaming on iOS and Android.”

Version mobile disponible sur ITunes pour 4,99 $

https://itunes.apple.com/tw/app/id958530579

Version mobile android sur GooglePlay pour 4.99 euros.

http://android-france.fr/2015/04/10/crowntakers/

Version PC sur Steam à 15 euros

http://store.steampowered.com/app/294370/

 

Crowntakers: Agir dans l’incertitude

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Le studio Bulwark a encore frappé!

Le nouveau est un RPG tactique procédural !

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Why do I want to study the video games ?

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logo IrphilGraduate School of Philosophy (EA 4187)

Institute for Philosophical Research of Lyon

 

 Why do I want to study the video games?

ABSTRACT

My thesis is as follows : rationality is not limited to instrumental rationality (that’s the theory of the Frankfurt school of thought to rethink the place of reason in Europe after nazism). Humans have been facing uncertainty since the Antiquity. From Aristotle’s prudence to the Harvard Business School’s strategies, without forgetting Machiavelli’s boldness, we thought up behaviours to fight the unknown. Continue Reading

La place des jeux video dans ma thèse: Résumé/Abstract

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Ecolelogo Irphil doctorale de philosophie

EA 4187

Institut de Recherches Philosophiques de Lyon

 

Pourquoi étudier les processus de création de jeux vidéo dans le cadre d’une thèse sur l’incertitude ?

J’avais déjà expliqué dans un article précédent que la Harvard Business Review classe les services en ligne et les jeux vidéo dans les secteurs soumis à une forte incertitude. Il s’agit donc d’un domaine idéal pour tester mes hypothèses et le fait d’avoir été longtemps un étudiant de Mathieu Triclot (un des rares philosophes français à avoir étudié les jeux vidéo) n’est probablement pas une coïncidence. Continue Reading

Le retournement du renard

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LE RENARD

La rationalité pratique du renard : le retournement

  1. Méthode contre-intuitive. Face à un problème qui résiste, on est tenté d’insister. C’est un réflexe. Si le fer ne fond pas, alors on chauffe plus fort. Si la muraille adverse tient bon, alors il faut envoyer un plus gros rocher. Si la production journalière n’est pas suffisante, alors il faut faire travailler les employés plus longtemps. Ainsi on considère que pour surmonter un problème il faut faire plus. La figure du renard propose la solution opposée : faire l’inverse. Continue Reading

Le poulpe

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LE POULPE

L’intelligence pratique de l’adaptation

  1. Animal intelligent. Le poulpe est actuellement l’objet de diverses études. La poulpe attitude par exemple fait le point sur les recherches concernant l’intuition. Les roboticiens étudient le fonctionnement des tentacules[1] pour tâcher de comprendre cette intelligence corporelle, cette capacité pour chaque membre à appréhender son environnement et s’y adapter. Mais à l’origine, dans l’Antiquité, le poulpe était avant tout une figure de la mètis,  un modèle d’intelligence rusée.
  2. As du camouflage. « Par téchnē, dit Oppien, les poulpes se confondent avec la roche sur laquelle ils s’appliquent[2]. » Les poulpes maîtrisent le camouflage. Mais il faut bien distinguer le camouflage du poulpe du camouflage du caméléon. Le caméléon tente de se dissimuler par peur, quand il y est contraint. Le poulpe le fait par stratégie. La pieuvre a une démarche volontaire et intentionnelle. Elle n’agit pas par lâcheté.
  3. « Un même artifice leur procure des aliments et les soustrait à la mort[3] ». Si le poulpe est poursuivi par un pêcheur ou un animal plus fort, il se déguise en pierre. Si un poisson faible passe à sa portée il redevient poulpe. Cette tactique doit être combinée avec une vigilance constante.
  4. Stratagème. La Seiche (dans la famille des céphalopodes qui comprend pieuvres et poulpes) : « Pour tromper son ennemi, pour abuser sa victime, elle [la seiche] dispose d’une arme infaillible : l’encre qui est une espèce de nuée (tholós)[4]. » La seiche crée elle-même les conditions de sa fuite. Elle peut disparaître dans la nuit comme un voleur, sauf que c’est elle qui génère la nuit propice à la fuite.
  5. L’appât. Poulpes et seiches utilisent un stratagème similaire à celui de la grenouille marine : ils agitent un long tentacule pour attirer les poissons.
  6. Mètis contre mètis. Pour prendre le poulpe, le pêcheur doit retourner contre lui son pouvoir de lier. Les pêcheurs utilisent comme appât une femelle que le poulpe enserre et ne relâche plus.
  7. Le poulpe « sert également de modèle à une forme d’intelligence[5] » : le polúplokon nóēma, une intelligence en tentacules[6]. Deux types d’homme représentent cette forme d’intelligence : le sophiste et le politique. « Pour le politique, prendre l’apparence du poulpe, se faire polúplokos, ce n’est pas seulement posséder un lógos de poulpe, c’est se montrer capable de s’adapter aux situations les plus déconcertantes, de prendre autant de visages qu’il y a de catégories sociales et d’espèces humaines dans la cité, d’inventer les mille tours qui rendront son action efficace dans les circonstances les plus variées.[7] ». Cyniquement on pourrait traduire que l’homme politique doit apprendre à dire à chacun ce qu’il veut entendre. Le sophiste assume cet état de fait. Celui qui maîtrise la sophistique peut défendre une thèse et son contraire.
  8. Mais le polútropos n’est pas l’ephēmeros. Il ne faut pas confondre l’homme qui change ses discours, par stratégie, avec l’homme inconstant. L’homme inconstant est passif, il se laisse guider. L’homme politique a ses idées mais il adapte ses discours. Cette capacité à changer d’avis selon la situation a mauvaise presse dans nos contrées : on dira d’une personne changeante qu’elle est une « girouette » et qu’on ne peut s’y fier. Mais c’est toutefois faire preuve d’une intelligence pratique que de s’adapter à la situation. Si le régime politique change, on peut bien continuer à défendre des idées mais si elles ne sont pas suivies, cela n’a aucun intérêt. Quand la situation change, il faut être capable de suivre le mouvement.
  9. Le général De Gaulle. S’adapter à la situation ne signifie pas renier ses valeurs morales. Quand on écrit que l’intelligence consiste à suivre le mouvement et à profiter de la nouvelle situation, on risque d’interpréter cette idée de manière excessive. On pourrait, par exemple, justifier la collaboration pendant la seconde guerre mondiale. D’un point de vue amoral, on pourrait argumenter en disant que le fait de travailler avec l’occupant pouvait apporter des avantages. Mais l’adaptation n’implique pas forcément un choix immoral. Le Général De Gaulle était connu pour être un homme de terrain, plusieurs fois blessé au cours de la première guerre mondiale. Au début de la seconde, il remporte une des rares victoires françaises avec sa division blindée.  Pourtant, quand l’armistice est signé avec l’Allemagne, le général choisit de fuir en Angleterre pour lancer l’appel du 18 juin et diriger la résistance française. En apparence, il s’agit d’un repli mais le général est resté fidèle à ses convictions (combattre les nazis). Il s’est adapté à la réalité politique du moment, prenant ce qu’il pensait être la meilleure décision pour la suite.
  1. La Dissimulation du poulpe. Savoir dissimuler son piège, ses pensées ou encore sa propre apparence derrière un déguisement pour induire les autres en erreur. Ulysse se déguise en « personne », Kronos se cache dans les ténèbres, le chasseur se dissimule dans la végétation et le poulpe prend la couleur de la roche. La dissimulation est une attitude par rapport à son environnement qui consiste à se « fondre dans le décor », c’est-à-dire établir un rapport de connivence avec son univers. Il ne s’agit pas de forcer ou de violenter le monde. Il s’agit de se fondre dans le monde, de détourner les signes pour induire les autres en erreur. Nos armées ont développé des tenues de camouflage qui permettent à nos soldats de se fondre dans le décor. Ainsi ils peuvent surprendre leurs ennemis.
  2. L’infiltration. Un policier peut se déguiser en délinquant pour infiltrer un groupe de criminels. Cela fonctionne également pour les agents secrets qui cherchent à noyauter les réseaux terroristes[8]. Il faut adopter le déguisement adapté pour tromper l’ennemi. C’est la tactique Yojimbo (pour reprendre le titre d’un film de Kurosawa) : faire semblant d’être l’ami d’un groupe pour le détruire de l’intérieur. En matière de séduction, La marquise de Mertueil, dans Les liaisons dangereuses, est un excellent exemple. Elle simule une apparence de morale pour tromper tout le monde et se livrer à des activités immorales sans danger.
  3. Le camouflage du politique. Dans la philosophie de Machiavel, il est recommandé au prince d’avoir l’apparence des vertus pour gouverner (peu importe qu’il les ait vraiment). Même si on constate dans les faits que différents hommes politiques, toutes nationalités et toutes tendances confondues, ont pu être impliquées dans des affaires malhonnêtes, aucun ne prétendra publiquement que c’est une bonne chose.
  4. L’adaptation de l’enseignant. « La dimension transgressive de la ruse se manifeste sous des aspects et selon des degrés divers : s’habiller de façon exagérément sophistiquée en regard des pratiques habituelles, adopter des gestes et un ton de voix qui surjouent l’aisance (SS), ne pas faire ce qu’on est censé faire au moment prévu pour cela (FK), ne pas respecter l’organisation du travail (LV et JB).[9] » Une dimension du travail d’enseignant qui ne s’apprend pas dans les livres consiste en cette activité rusée qu’est l’adaptation. Certes on peut toujours conseiller « adaptez-vous » à un débutant mais on fait difficilement plus flou. Le professeur doit s’adapter au lieu (acoustique de la salle), à la discipline enseignée (théorique ou expérimentale), au public (novice ou confirmé), à l’état de fatigue (heure de la journée), au contexte culturel (tensions racistes entre les élèves) ou socio-économique (misère et criminalité dans le quartier) et enfin aux événements récents (mort d’un camarade, conflits). On demande à l’enseignant une adaptation plus souple que celle du poulpe et l’article cité mettait l’accent sur le costume, l’attitude et la voix. L’enseignante citée se « déguise » pour travailler. Elle choisit le costume le mieux adapté à son travail.
  5. « Se travestir, c’est se déguiser pour dissimuler sa véritable nature. L’artifice est là pour tromper. À cet égard, il n’est pas inutile de rappeler certains épisodes narratifs des enfances de Dionysos et d’Achille ». « D’autres textes sont encore plus explicites et lient clairement le travestissement d’adolescents à une prouesse associée à la ruse. En effet, pour un adolescent, porter des atours féminins n’est pas sans rapport avec la ruse. Ainsi, le travestissement légendaire de deux jeunes gens, déjà efféminés, en jeunes filles avant le départ de Thésée pour la Crète relève de la ruse. »[10]
  6.  Le mythe d’Aspalis : la ruse du déguisement. « Le mythe d’Aspalis raconte, ainsi, les exploits d’un jeune adolescent déguisé en fille. Il relate l’histoire d’Astygitès qui, encore enfant, veut venger la mort de sa soeur, suicidée par pendaison de peur que le tyran de la ville ne l’enlève et ne la viole comme il avait l’habitude de le faire avec ses sujettes en âge de se marier. À cette fin, le jeune homme revêt les habits de sa soeur et, armé d’une épée qu’il a glissé le long de son flanc gauche, s’introduit dans la maison du tyran qu’il tue. Tous les citoyens célèbrent ce haut fait ; une statue est élevée en l’honneur d’Aspalis, désormais honorée sous l’épiclèse de Aspalis Ameilité Hécaergé. »[11]
  7. Hercule, l’homme déguisé en femme. « De retour de Troie, Héra fit échouer Héraclès au cap Lakètèr. Le héros y affronte les Méropes. Mais, submergé par leur nombre, il se réfugie chez une femme thrace, où il échappe aux regards en se dissimulant sous un vêtement féminin. Plus tard, victorieux des Méropes et purifié, il épouse Kalkhiopè et revêt un manteau brodé de fleurs. »[12] On termine par ce mythe intéressant. Héraclès incarne d’ordinaire l’idéal viril du guerrier qui déploie une force colossale. Pourtant, il est prêt à ruser en se déguisant. On soulignera qu’il ne s’agit pas de n’importe quel déguisement puisqu’il se travestit en femme (opérant comme Mètis un va-et-vient entre les deux genres).
  1. S’adapter aux circonstances. Le poulpe s’adapte à son environnement quand il se camoufle. Le sophiste s’adapte à son auditoire. Le guerrier s’adapte à l’ennemi. La mètis consiste à s’adapter aux circonstances concrètes. La navigateur travaille à partir des circonstances. Ulysse invente des solutions à partir de la situation. La mètis consiste à opérer cette adaptation entre ce qui est pensé et ce qui est réalisé. La mètis est à la fois intelligence théorique et pratique. Mais elle ne se limite pas à l’action individuelle.
  2. La stratégie.

« La stratégie est l’art de faire la guerre sur la carte, d’embrasser tout le théâtre de la guerre ; la tactique est l’art de combattre, de placer ses forces selon les localités et de les mettre en action dans l’étendue du champ de bataille. »

Général suisse Jomini (1779-1869)

S’il s’agit de s’adapter en permanence, les armées et les entreprises doivent également le faire. Le développement des enquêtes de satisfaction est un outil qui permet à un groupe d’analyser rapidement les satisfactions et les désirs de ses clients pour s’y adapter. Ainsi Apple utilise le service Net Promoter Score©. Cet outil de mesure, développé par le professeur Fred Reichfeld (avec le cabinet de conseil Bain & Company), évalue la propension des clients à recommander les produits d’une marque. Cela permet à la compagnie de tenir compte des avis des clients pour anticiper sur les ajustements nécessaires.

  1. Le Pouvoir de lier et de délier. Toutes les divinités possèdent ce double pouvoir du poulpe. On peut lier, entraver, museler un adversaire avec sa mètis comme un sophiste peut lier un adversaire avec ses discours. De la même manière, celui qui sait lier sait délier, démonter les entraves. Cette attitude est un rapport aux autres et au monde. C’est la capacité de lier, d’entraver, donc de réduire la mobilité et les options de l’autre. C’est le principe du filet. Immobiliser l’animal pour qu’il ne puisse plus utiliser sa mobilité.
  2. Adaptations à d’autres domaines. On peut lier en sens physique en attachant quelqu’un. Par exemple, dans les arts martiaux, il existe un grand nombre de techniques à base de clés qui permettent de contrôler ou d’immobiliser quelqu’un. Mais on peut également lier quelqu’un à distance. Hermès parvient à lier Apollon en liant son sort à celui des bœufs. De la même manière, si vous possédez des otages ou un secret douteux vous pouvez lier quelqu’un en le faisant chanter. On peut également lier quelqu’un en argumentation quand on le domine. Du point de vie économique on peut aussi lier un adversaire pour l’empêcher d’agir : un blocus.
  3. Critiques de la flexibilité. Demander aux humains de s’adapter aux circonstances semble facile sur un plan théorique pourtant différentes études soulignent les conséquences négatives engendrées par une trop grande flexibilité. Ainsi le sociologue américain Richard Sennett critique[13]la déqualification du travail et les conséquences humaines de cette dernière. Alors que la flexibilité était considérée depuis John Stuart Mill comme une qualité des entrepreneurs, le sociologue montre que le néo-capitalisme, ses changements incessants et ses réorganisations vont rendre « illisible » le travail en tant qu’appartenance sociale. Le jeune ose prendre des risques, il s’adapte alors que le vieux est rigide, dépassé. L’étude de Sennett montre que la flexibilité n’est pas une solution magique toutefois il s’agira de ne pas confondre l’attitude mentale avec une organisation sociétale qui est constitutivement désorganisation permanente.

 



[1] Justin Mullins, New Scientist, article du 12 janvier 2012

[2] Oppien, Hal., II, 232-233

[3] Detienne et Vernant, Op. Cit., p 35

[4] Ibid., p 46

[5] Ibid., p 47

[6] Arist., Thesmoph., 462-463

[7] Detienne et Vernant, Op. cit., p 48

[8] Les chiffres exacts sont évidemment tenus secrets par nos services de renseignement mais on sait que la France a évité depuis 2000 une dizaine d’attentats. Il ne s’agit pas d’opérations musclées et médiatiques comme la libération d’otages mais des opérations de renseignement.

[9] Françoise Lantheaume, « L’activité enseignante entre prescription et réel ; ruses, petits bonheurs, souffrance » in Éducation et Sociétés, n° 19/2007/1

[10] « Les atours féminins des hommes : quelques représentations du masculin-féminin dans le monde grec antique. Entre initiation, ruse, séduction et grotesque, surpuissance et déchéance » de Florence Gherchanoc

Revue historique, CCCV/4

[11] Ibid.

[12] Ibid.

[13] Le Travail sans qualité : les conséquences humaines de la flexibilité, Albin Michel, 2000

La mètis pour sortir de la crise ?

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Le 18 novembre 2010 Yves Richez publiait un article sur indiceRH.net intitulé « La Mètis, clé de la réussite des entreprises demain ? » que je reproduis ci-dessous:

Digne héritière de Platon, Descartes et fruit du développement des sciences, notre société occidentale s’est construite sur le dogme de la rationalité, qu’elle perpétue en persévérant dans la normalisation, la division, le contrôler, la géo-maîtrisation. Elle s’est érigée en structure géométrique avec au centre son « général » nommée idée et son N-1, le savoir droit et fixe (celui qui applique sans douter, ni réfléchir). Pourtant, l’environnement économique est marqué par une complexité omniprésente qui échappe bien à cette « norme ». Ce qui est normé n’est pas souple, ni adaptable. La norme est linéaire, statique et indifférente aux singularités et divers événements « hors norme ». Face à cela, il fallait bien que la mètis ressurgisse…

Face à cette mouvance et avec ce paradigme pour seul schéma de pensée, comment naviguer dans ses changements omniprésents ? Comment tirer parti des opportunités dans un monde humain en constante évolution ? Les entreprises qui réussiront seront celles qui sauront échapper à la normalisation de la société. Autrement dit, sortir de sa « tête » pour entrer dans le « monde » et regarder la réalité en face au lieu de s’évertuer à diviser encore plus de la même chose. Car c’est évident, seules les entreprises qui développeront leur mètis passeront les crises et autres événements « percutants ». Mais qu’est-ce donc que la mètis ?

Posséder de la métis, c’est s’adapter à la situation et non contraindre la situation à soi. C’est faire preuve d’habileté, de souplesse, de ruse, c’est à dire contourner le problème sans s’y attarder, c’est penser en terme d’opportunité, c’est à dire « en quoi ce qui arrive pose un potentiel qu’il nous faut saisir » et non « mon dieu, c’est la crise, on va tout perdre!, il faut faire le deuil, il faut s’en remettre et tenir bon, etc.».

À la fois rapide (maîtrisant ainsi les principes de lenteur), discrète et vigilante, la mètis* est cette intelligence pratique qui conjugue la dextérité, la sûreté du coup d’œil et la pénétration de l’esprit (sentir en soi l’action même). Son objectif : atteindre le succès dans un domaine de l’action, en percevant dans le réel les facteurs opportuns qu’il est possible de saisir pour s’y appuyer afin de les faire croître et les porter à leur plein effet. C’est pour cela que la mètis est prégnante chez les artisans et les pêcheurs, empreints de « bon sens » au sens propre, comme au figuré. La mètis constitue les prémices du stratège. Son plus grand ambassadeur est Ulysse et sa plus belle démonstration, le cheval de Troie. Son plus grand contradicteur est Platon et sa plus grande parade est la normalisation et la perfection. Pour Platon la mètis est synonyme de duplicité et de non vertu. La mètis est à la situation, ce que l’abstrait est au mathématique. Imparfaite, insaisissable, elle se fiche des règles, seul le résultat compte, non qu’elle n’est pas d’éthique, mais son principe même est la réussite. Le corbeau veut le fromage, non tuer le corbeau.

L’auto-entrepreneur est la normalisation d’une mètis qui s’appelle « travail au black ». La mètis a toujours une longueur d’avance sur la norme et la règle. L’antivirus le plus sophistiqué voit le jour, la mètis du pirate saura le contourner, c’est inévitable.

Un exemple historique est l’arrivée « imprévue » du brouillard à Austerlitz : ce dernier offre à Napoléon une configuration sur laquelle il s’appuie pour porter à son avantage l’infériorité numérique et l’éloignement des bases de son armée face aux Autrichiens et aux Russes, le 2 décembre 1805. C’est là un premier point de la stratégie : la situation offre une configuration particulière. C’est cette configuration qui entraîne le (fameux) potentiel « à faire advenir ». La stratégie ne relève pas du « devoir/savoir être », mais plutôt d’une aptitude à « tirer parti de ce qui (se) déroule ». La stratégie est indissociable du principe d’extériorité. La stratégie est une idée qui demande un intérêt particulier. Employé en entreprise, le mot « stratégie » est présent, discret, et pourtant son usage entend une dimension particulière : l’attention à la situation. C’est parce que les Russes et les Autrichiens restent enfermés dans leur principe de guerre géométrique qu’ils perdent cette fois-ci la guerre.

Faire preuve de mètis, c’est arrêter « le penser droit » « c’est comme ça » pour privilégier une pensée oblique « et si on faisait comme ça ? ». Faire preuve de mètis, c’est intégrer le principe de créativité, c’est rompre avec la « mission » ; c’est être en capacité de (ré)inventer la mission en cours de mission. Un changement pouvant en cacher un autre. Quand la mission Apollo 13 rencontre sa situation de crise, c’est le sens de la mètis du leader de la Nasa (Gene Kranz) qui permet de sauver la mission. Lorsque le politique dit ce que l’autre veut entendre ou détourne la question du journaliste, il fait preuve de mètis.

Concrètement, privilégier des groupes de « bêtise », c’est à dire des groupes où l’on arrête de penser « intelligent » : « Faut que je dise un truc bien… ». La mètis est à la fois rire et détours, souplesse et contours ; elle est le biais et l’oblique ; à la fois historicité et dextérité, elle prend appui sur le mouvant de la situation.

Ne la cherchez pas à l’arrêt, elle disparaît ; ne cherchez pas non plus à la mesurer, elle vous ferait un « pied de nez », car elle est certainement sous-jacente au principe de complexité, et c’est certainement pour cela qu’elle « travaille (toujours) à bien penser ».

Platon et sa descendance ont tout fait pour bannir la mètis, mais c’est une réalité. La mètis comme modus operandi est l’une des seules voies possibles pour passer les épreuves à venir, quelles qu’elles soient.

Une société ou une organisation qui intègre la mètis comme compétence à développer, celle-ci aura un avantage sur la concurrence significatif…

 

* Mètis est à l’origine une déesse grecque, première femme de Zeus, et la reine de la ruse et de l’intelligence des situations. Elle donne l’aptitude à « prendre appui sur », à « saisir l’opportunité », à « transformer la situation » qui se présente à « moi ».

 

A PROPOS DE L’AUTEUR, Yves Richez, entrepreneur, accompagnateur professionnel, auteur et chercheur, se définit comme un « agit-a[c]teur de potentiel(s) humain(s) ». Yves Richez est fondateur et directeur associé de SUCCESS Communication & Leadership ™  depuis 1996 et a conduit une recherche action sur la manière dont chacun d’entre nous peut développer son potentiel et mettre en œuvre ses capacités pour atteindre et actualiser ses formes d’intelligences.

Il est entre autre l’auteur de « Petit éloge du Héros » publié en 2009 aux éditions (Spandugino Publishing House en France et en Roumanie) et d’un roman philosophique : « Louis du vieux continent », publié aux éditions Ambre en 2005.

Yves Richez agit et publie selon ses termes dans le but de « prendre part et de contribuer à une révolution intellectuelle » dont notre société a besoin pour évoluer. Sa double formation, occidentale et asiatique, entraîne une réflexion sur une pensée moderne, revenue de ses excès de rationalisme,  qui commence à évoluer vers une perception du monde intégrant davantage le réel, la transdisciplinarité et la transculturalité.

 

Toutes ces informations proviennent du site indiceRH.net (et demeurent leur propriété).

Athéna, fille de Mètis

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Athéna est la fille de Mètis. « C’est donc par sa mère qu’Athéna se trouve bien pourvue en mètis, qu’elle est née polúboulos et polúmētis[1] »

Athéna semble cumuler les fonctions au point qu’on a du mal à définir son champ propre.  « Athéna semble se disperser dans la pluralité de ses fonctions et la diversité de ses interventions[2] »

Athéna déesse agraire

En plus d’être la déesse de la guerre, de la sagesse et des arts ménagers, Athéna est envisagée comme déesse agraire. Pestalozza s’est efforcé de démontrer que derrière Athéna, vierge et guerrière, se cachait une déesse-mère, avec l’araire pour attribut et le labourage comme activité première.

Mythe transmis par Servius :  Athéna avait pour amie Murmix une humaine, vierge et habile de ses mains.  Déméter invente le blé pour les humains. Athéna décide d’inventer « l’araire ». Murmix dérobe l’invention et va voir les hommes en prétendant l’avoir inventé. Murmix finira changée en fourmi.

Ce que ce mythe montre clairement c’est que, même si le champ d’action est le même (l’agriculture), les déesses Déméter et Athéna n’ont pas la même action. Déméter invente le blé. Athéna invente un outil. La fille de Mètis est du côté de l’invention technique.

« Athéna est une puissance technicienne qui peut intervenir dans le domaine agricole[3]. »

« l’habileté manuelle d’Athéna semble privilégier cette forme d’intelligence pratique que les Romains désignent par sollertia et les Grecs par mètis[4]. »

Sollertia : habileté manuelle et intelligence pratique.

Athéna, déesse de la guerre

Athéna semble empiéter sur le territoire de tous les dieux comme on va le voir. Elle intervient dans l’agriculture comme puissance technicienne. Athéna est aussi déesse de la guerre. Pourquoi les Grecs avaient-ils besoin d’avoir deux dieux de la guerre dans leur Panthéon ? Arès, dieu de la guerre, est-il insuffisant ? Ou bien, faut-il comprendre qu’à côté d’Arès, la férocité du guerrier, Athéna représente une autre facette du guerrier ? « Arès n’a pas une réputation de grande subtilité : c’est une brute sans ombre de mètis[5]. » La fille de Mètis fait donc figure d’intelligence rusée à côté de lui :

            « l’Athéna Chalkioikos de Sparte […] porte le nom de Mètis[6] ». Elle est une « Athéna armée, revêtue du bronze des guerriers[7] ».

Athéna passe souvent pour avoir inventé la danse pyrrhique : danse armée qui se danse soit avant, soit après un combat[8].

« Car si les coups de main contre les postes ennemis exigent, outre le courage, hardiesse du coup d’œil et rapidité d’exécution, si l’aguet et l’embuscade demandent la prudence du renard et l’habileté du « crypte » pour ne pas se faire voir ni se laisser surprendre, si ces différentes opérations militaires font appel à des qualités de ruse et de duplicité dont le IVe  siècle fera gloire à ses généraux et à ses stratèges, ces professionnels d’une guerre plus technique, et même si certaines de ces manœuvres mettent parfois en cause Athéna, son aide et ses conseils, la mètis de la déesse en armes met en œuvre des moyens plus secrets qui mobilisent d’inquiétantes magies et des sortilèges prestigieux[9]. »

Le guerrier a besoin des mêmes qualités que le chasseur : vivacité, discrétion, duplicité. Mais Athéna possède aussi une magie guerrière. La stratégie militaire ne se limite pas à la technique.

Si on étudie de plus près la guerre chez les Grecs[10], on remarque des choses apparemment incohérentes. Les hoplites recouvraient leur bouclier d’une mince feuille de bronze. Pourquoi alourdir volontairement son arme ? Parce que l’arme peut renvoyer la lumière. Une armée au soleil peut aveugler l’adversaire et contribuer à la déstabiliser « psychologiquement ».

On utilise un anachronisme en parlant de psychologie mais c’est bien de ce dont il est question. Il existe un cas exceptionnel où l’armée adverse décide de fuir avant même que le combat ne commence. La terreur (Phobos) peut s’emparer d’une armée et donner la victoire à l’autre. Le guerrier a donc besoin de s’adjoindre une magie pour résister et impressionner.

 

« Pour rendre invincible le guerrier qu’elle a choisi de protéger, la fille de Zeus le recouvre de l’égide « terrifiante », de cet objet mi-bouclier, mi-cuirasse, où s’étalent en couronne les masques de Déroute (Phóbos), de Querelle (Eris) et la tête monstrueuse de la Gorgone. Arme absolue qu’Héphaistos aurait donné à Zeus pour jeter la panique parmi les humains[11], à moins que Mètis selon une tradition parallèle[12], ne l’ait elle-même forgée pour sa fille, faisant ainsi cadeau à Athéna d’une arme « dont rien ne peut triompher, pas même la foudre de Zeus[13] » »

Athéna aurait hérité de sa mère une arme plus puissante que la foudre de Zeus qui aurait la capacité d’immobiliser et de terrifier. En tant que déesse de la guerre, Athéna représente plus que le savoir technique et la ruse, elle représente cette part de magie liée à la peur.

La mythologie grecque parle déjà de la méduse qui pétrifie les gens d’un regard. Zeus peut paralyser Typhon en ouvrant les yeux. Enfin, Athéna est la déesse « au regard brillant » (glaukôpis). Faut-il comprendre que le regard a un rôle à jouer dans la magie guerrière ?

« Comme la chouette (glaúx) qui séduit et terrorise les autres oiseaux par son œil fixe, plein de feu, autant que par les modulations de son chant, Athéna triomphe de ses ennemis par l’œil et par la voix de ses armes de bronze, ces armes dont la tradition épique compare volontiers l’éclat à la lueur de l’éclair et le bruit au grondement du tonnerre[14]. »

 « Sa mètis fonctionne comme un mécanisme de fascination qui combine certains comportements magiques du guerrier archaïque[15] »

Athéna domine ses adversaires par son regard et par sa voix. Elle terrorise. Un guerrier doit donc avoir un regard décidé et hurler pour impressionner ses adversaires. Cela ferait partie de la technique martiale.

Athéna et le mors

Ensuite, prenons l’exemple du « mors ». En apparence, il s’agit d’une invention technique donc elle appartient au champ d’Athéna qui dirige l’intelligence technique (à la veille de Salamine, c’est un mors que Cimon d’Athènes vient déposer sur l’autel d’Athéna[16]).

« Le mors de filet que porte tout cheval attelé ou monté apparaît comme un équivalent des potions magiques, des drogues et des préparations mystérieuses dont Médée […] fait usage, mieux que personne pour donner à Jason la maîtrise des taureaux dans l’épreuve du labourage, ou pour subjuguer le serpent monstrueux, chargé de surveiller jour et nuit la Toison d’or[17]

Mais le « mors » a un statut double. C’est un objet créé et un objet magique. Pour expliquer cet effet « magique » il faut rappeler que pour les Grecs le même agit sur le même. Donc pour agir sur le cheval, il ne faut pas seulement un objet métallique issu de l’esprit humain, il faudrait quelque chose de même nature que le cheval. On parle d’un lien purement analogique (presque alchimique).

« D’une part, le chalinós est un produit de la métallurgie […] D’autre part, le frein placé dans la bouche du cheval agit sur lui comme une prise magique »[18].

« Pour avoir prise sur sa puissance inquiétante, le mors doit être, d’une certaine manière, de même nature que le cheval[19] »

« Le mors qui s’agite dans sa bouche, s’il est l’instrument dont use le cavalier pour mener sa monture, est aussi, par sa nature ignée et par le cliquetis métallique qu’il fait entendre, une  sorte de redoublement du bruit sinistre émis par la mâchoire de la bête.[20] »

Enfin dans le mythe de Pindare : « Le mors qu’Athéna donne à Bellérophon n’est pas tenu pour un produit de la métallurgie, un de ces chefs d’œuvre qu’Héphaïstos anime de sa puissance démiurgique ; il est pensé comme un objet technique qui permet de dominer un animal aux réactions imprévisibles[21]. »

Si le mors provient de deux divinités, elles n’ont pas le même statut. Héphaïstos, dieu des forges, représente le pouvoir démiurgique : il crée un objet. Athéna va ajouter sa « force magique » qui permet l’utilisation, la maîtrise, du mors pour dominer le cheval. La mètis d’Athéna serait du côté de la bonne utilisation.

 

Le char est attribué à Poséidon. Le char est mis sous la protection du dieu marin comme on peut le voir dans le rituel d’Onchestos. Celui-ci consistait à faire courir un char tiré par des chevaux à travers un bois sacré. Le conducteur dudit char devait descendre de son véhicule juste avant d’entrer dans le bois. Ainsi, on laissait à Poséidon le soin de calmer les chevaux. Car Poséidon possède également ce pouvoir d’effrayer et de calmer les chevaux.

Alors quelles sont les places respectives d’Athéna et de Poséidon ? La réponse nous est peut-être fournie par Mnaséas de Patara, historien du IIe siècle avant notre ère.

Selon lui, les Lybiens prétendaient avoir appris de Poséidon l’art d’atteler le char, hàrma zeûxai et d’Athéna l’art de conduire l’attelage, hēniocheîn[22]. Le char appartient à Poséidon et l’art de conduire à Athéna.

Athéna, la main sur le four

Athéna, en tant que déesse, va également aider l’artisan à choisir le moment opportun pour retirer le pain du four. Si on le retire trop tôt, il ne sera pas assez cuit. Si on le retire trop tard, il sera trop cuit. Il faut donc choisir le bon moment.

L’Athéna technicienne n’est pas simple ouvrière, bànausos, elle est toujours maître d’œuvre, cheironax, l’artisan qui possède la maîtrise[23]. Cette main étendue sur le four, c’est le signe de la maîtrise qu’Athéna exerce sur le kairós, le temps de l’opportunité à saisir[24].

Athéna, aithuia, veille sur la navigation.

Aristote[25] écrit que dans la navigation, il n’y a pas de savoir général de tous les cas particuliers, pas de connaissance certaine de tous les souffles qui sillonnent la mer. 

Puisqu’on ne peut pas se fier à une connaissance figée, il faut se fier à la mètis. Poséidon, peut apaiser ou déchaîner les flots, mais Athéna peut guider le pilote. Elle peut l’aider à trouver « une voie » dans le dédale que représente la haute mer.

Athéna, Keleútheia, veille sur la course

Athéna veille également sur les courses. Sur trois moments particuliers : le départ, le tournant et la ligne d’arrivée. Pourquoi ? Parce que ces trois moments sont les plus difficiles et représentent l’occasion de renverser les rapports de force. C’est donc le moment d’utiliser sa mètis.

L’art de construire et l’art de conduire

Athéna ne se contente pas de surveiller la conduite du char. Elle préside également à sa construction. Même chose pour le bateau. Le rôle d’Athéna est double : art de conduire et art de construire.

 

Faut-il rattacher cette intelligence technique à la mètis ? On pouvait aisément comprendre que la mètis intervenait dans la conduite du bateau. On était placé dans un contexte mouvant, sans repère, et il fallait improviser pour réussir à franchir l’obstacle. Mais pourquoi parler d’Athéna au moment de construire le bateau ou le char ? Nous ne sommes pas en haute mer ou dans un contexte mouvant.

Athéna a inventé le navire. Elle l’a créé une première fois par une opération de l’intelligence, dans son esprit, puis elle l’a créé par une activité technique. Athéna invente le navire comme une solution face au problème de la mer.



[1] Detienne et Vernant, Les ruses de l’intelligence, p 172

[2] Ibid., p 169

[3] Ibid., p 171

[4] Ibid., p 171-172

[5] Ibid., p 269

[6] Dickins G., « the Hieron of Athena Chalkioikos », ABSA 13, 1906-1907, p137-154

[7] Aristophane, Lysistrata, 1320

[8] L. Séchan, La danse grecque antique, Paris, 1930, p 90-95 ; 107

[9] Detienne et Vernant, Op. cit., p 174

[10] Debidour M., Les grecs et la guerre

[11] Illiade, XV, 309

[12] [Hésiode], F. 343, 18

[13] Illiade, XXI, 401

[14] Il., XI, 16, 44-46 ; 83 ; XVII, 591-596

[15] Detienne et Vernant, Op. cit., p 176

[16] Plutarque, Cimon, 5, 1

[17] Detienne et Vernant, Op. cit., p 186

[18] Ibid., p 186

[19] Ibid., 187

[20] Ibid., 189

[21] Ibid., 191

[22] Detienne et Vernant, Op. Cit., p 198

[23] Ibid., p 187, note 49

[24] Ibid., p 187, note 49

[25] Aristote, Eth. Eud., VIII, 2, 1247 a 5-7, Eth. Nicom., III, 5, 1112 b 4-7

Le renard

Le renard

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« Le renard a dans son sac mille tours, mais sa ruse culmine dans ce qu’on peut appeler la conduite du retournement. De son côté, le poulpe symbolise, dans l’infinie souplesse de ses tentacules, l’insaisissabilité par polymorphie[1]. »

 

 

 

 

 

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