Valla: Dieu prévoit nos actes sans qu’ils soient nécessaires0

Posted on novembre 23rd, 2012 in En terminale

La thèse de Lorenzo est que Dieu prévoit nos actes sans qu’ils soient nécessaires (ce qui permet au jugement moral de s’exercer à leur sujet). Prévoir n’équivaut pas à prédire. La trahison de Judas était prévue par Dieu, mais c’est Judas qui porte la responsabilité de sa trahison.

ANTONIO ― Si Dieu prévoit l’avenir, celui-ci ne peut arriver autrement qu’il ne l’a prévu. Par exemple, s’il voit que Judas trahira, il est impossible que ce dernier ne trahisse pas, c’est-à-dire il est nécessaire que Judas trahisse, à moins (hypothèse inadmissible) que nous ne voulions que Dieu soit dépourvu de la prescience[1]. Dans ces conditions il faut évidemment considérer que le genre humain ne possède pas le libre arbitre, et je ne parle pas seulement des méchants, car si eux font nécessairement le mal, les bons à l’inverse font nécessairement le bien, si toutefois on doit parler de bons et de méchants pour des êtres privés de libre arbitre, et si l’on doit considérer comme morales ou immorales leurs actions qui sont soumises à la nécessité et à la contrainte…

LORENZO ― Tu affirmes que Dieu a prévu que Judas serait un traître, l’a-t-il pour autant induit à trahir ? il ne semble pas. Car du fait que Dieu sait d’avance qu’un homme accomplira une action, il n’y a aucune nécessité que celui-ci l’accomplisse parce qu’il l’accomplit volontairement : or ce qui est nécessaire ne peut être volontaire… Si prévoir qu’une chose existera a pour effet de la faire exister, à coup sûr savoir qu’une chose existe a aussi pour effet de la faire exister. Pourtant tu sais qu’en ce moment, c’est le jour ; est-il jour parce que tu le sais, ou au contraire est-ce parce qu’il est jour que tu sais qu’il est jour ?

ANTONIO ― Continue…

 

 

VALLA, Dialogue sur le libre-arbitre ; trad. De J. Chomarat, Paris, éd. Vrin, 1983, pp. 32-33



[1] A peu près synonyme de prévoyance.

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