Nietzsche : la morale du ressentiment
Nietzsche : la morale du ressentiment
Manuel numérique de philosophie
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Lecture obligatoire pendant les vacances :
Epicure, Lettre à Ménécée, GF
Lectures conseillées pour les vacances :
La Rochefoucauld, Maxime 372
Sophocle, Antigone (pièce de théâtre)
Spinoza, Lettre 58 à Schuller
Descartes, Lettre à Chanut du 6 juin 1647
Descartes, Lettre au marquis de Newcastle du 23 novembre 1646
Manuel numérique de l’élève TS
Manuel numérique de l’élève T ES
Lisez des nouvelles
Nouvelles du XIXe siècle
Nombre d’élèves de terminale S font souvent cette réflexion (de mauvaise foi) : « On n’a a pas le temps de lire ». Sous prétexte que l’élève de TS suit trente heures de cours par semaine et qu’il doit en plus travailler à la maison, il serait dépossédé de son temps et ne pourrait pas se cultiver.
Sophocle, Antigone
S’il y a une pièce de théâtre antique qu’il faut avoir lu dans sa vie c’est indubitablement l’Antigone de Sophocle. Il est à la fois extraordinaire et stupéfiant de constater combien une œuvre âgée de plusieurs millénaires a pu garder une telle pertinence et une telle actualité. Antigone c’est le conflit entre le droit et la justice, la justice des hommes et une justice divine, la contrainte légale et l’obligation morale.
Lettre à Ménécée (complet)
Si d’aventure vous retournez affronter la philosophie à l’oral je mets en ligne l’analyse de l’oeuvre suivie complète.
Dossier Epicure
Lettre à Ménécée
Epicure a laissé dans la tradition le souvenir d’un jouisseur. Ce sont ses disciples qui lui ont valu cette réputation. Lui-même, en sage, se souciait de définir les biens que l’homme doit rechercher pour être heureux, c’est-à-dire avoir la paix de l’âme. Selon lui, le seul bien est le plaisir et le plaisir est la satisfaction du désir. Epicure a vu avec clairvoyance que l’homme peut se rendre malheureux en augmentant et en compliquant ses désirs. Il a donc distingué parmi ceux-ci :
– Les désirs naturels et nécessaires : manger du pain et boire de l’eau.
– Ceux qui sont naturels et non nécessaires : accompagner son pain d’un peu de fromage de chèvre.
– Ceux qui ne sont ni naturels ni nécessaires : tout ce qui concerne l’artifice et le luxe.
Pour avoir l’âme tranquille, Epicure recommande de réduire ses désirs. Il savait faire face à la souffrance. À la fin de sa vie, en proie à une maladie cruelle, il déclarait : « J’ai passé une heureuse journée, parce que j’ai évoqué de bons souvenirs ».
Si Epicure a atteint, sinon le bonheur, du moins la tranquillité et un certain contentement, ce n’est pas en cherchant le plaisir, mais en le maîtrisant avec sagesse. Le plaisir est, par lui-même, insatiable et source d’avidité. Il s’use. On se lasse de ce qu’on possède. De nouveaux désirs naissent, entretiennent l’insatisfaction, alimentent l’inquiétude. Nous pouvons l’expérimenter dans nos sociétés d’abondance.
***
Le IIIe siècle avant Jésus Christ, est une période angoissante pour les Grecs : la mort précoce d’Alexandre le Grand donne lieu à des divisions sanglantes entre ses généraux. Son empire est rapidement disloqué. Athènes faisant l’objet de multiples convoitises est prise et reprise plusieurs fois. Les riches vivent dans le luxe et s’ennuient tandis que le plus grand nombre vit dans le dénuement. L’esprit religieux envahit la sphère politique : on divinise le moindre tyran. Après la splendeur du siècle de Périclès (Ve siècle avant Jésus-Christ), l’homme grec est désemparé et aspire à une nouvelle sagesse. L’épicurisme propose une philosophie morale qui va avoir beaucoup de succès.
Epicure (341-270 avant Jésus-Christ), après avoir été initié à la physique atomiste de Démocrite, a fondé son école, le Jardin, en 306 avant Jésus-Christ, à Athènes : il aurait écrit trois cents œuvres dont il ne nous est parvenu que trois lettres, à Hérodote, à Pythoclès, à Ménécée et quelques sentences, grâce à l’ouvrage de Diogène Laërce, Vies, doctrines et sentences des philosophes illustres.
La lettre à Méncée contient la morale épicurienne : un préambule montre la nécessité de philosopher pour être heureux (§122). Puis, on trouve les quatre remèdes pour la vie heureuse : contre la crainte des dieux (§123-124), contre la crainte de la mort (§124-127), la doctrine du plaisir (§ 127-130) et la doctrine de l’autarcie (§ 130-132). La conclusion résume ces conseils (§ 133).
La doctrine du plaisir
« Le plaisir est le commencement et la fin de la vie heureuse », c’est-à-dire qu’il la remplit, mais il en est aussi la vérité. Le plaisir est le souverain bien. Mais de quel plaisir s’agit-il ? Il n’est pas question de chercher à tout prix n’importe quel plaisir. Il faut distinguer les plaisirs en classant les désirs : les désirs naturels nécessaires (boire, manger, philosopher, s’abriter) sont à satisfaire ; les désirs naturels non nécessaires (par exemple, choisir un plat raffiné) sont à satisfaire exceptionnellement ; les désirs non naturels non nécessaires (les honneurs, les richesses) sont à fuir parce qu’ils apportent plus de peine que de plaisir.
L’épicurisme présente donc une économie subtile du plaisir et de la douleur : on ne doit pas rechercher tout plaisir, car certains plaisirs procurent de plus grandes douleurs et certaines douleurs apportent finalement un plaisir. Par essence, tout plaisir est un bien et toute douleur est un mal, mais leur choix doit être fondé sur une comparaison des avantages et des inconvénients qu’ils procurent.
La doctrine de l’autarcie
« C’est un grand bien à notre avis que de se suffire à soi-même ». Par là, le sage s’élève au-dessus de la matière et se fait l’égal des dieux. Il faut s’habituer à vivre de peu, à ne satisfaire que les désirs naturels et nécessaires ; pour le quotidien, du pain, de l’eau, une vie frugale ; les mets raffinés en seront d’autant plus appréciés exceptionnellement. Prévenant la caricature de sa doctrine, Epicure insiste pour rappeler qu’il ne s’agit pas de s’adonner à la jouissance sans freins, mais de préférer les plaisirs réglés. Le plaisir réglé vise l’aponie (absence de souffrance du corps) et l’ataraxie (absence de tension de l’âme).
***
Contrairement à l’image scandaleuse de l’épicurisme au Moyen Âge (on parlait de « pourceaux d’Epicure »), la morale épicurienne réclame une ascèse (vie exigeante, dans l’abstinence) ; c’est un hédonisme rigoureux (l’hédonisme est la théorie qui fait du plaisir le principe de la vie morale). L’épicurisme a rencontré un grand succès à son époque et s’est étendu à Alexandrie et à Rome. Au Ier siècle avant Jésus-Christ, Lucrèce a écrit un long poème, De la nature, entièrement imprégné de la philosophie épicurienne. Mais le christianisme l’a brutalement rejeté ; en effet, l’épicurisme ne promet aucune vie après la mort (l’âme matérielle est mortelle) et son matérialisme fondamental est inacceptable pour une doctrine religieuse. L’épicurisme reparaîtra au XVIe siècle, chez Montaigne, pour une courte période. L’atomisme, quant à lui, aura plus de succès auprès des hommes de sciences (par exemple, avec Gassendi au XVIIe siècle).
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Epicure : L’injonction à philosopher
Explication de texte
Légende
Mot d’articulation encadré
Mot ou notion à expliquer au lecteur
Définition
Exemple
Extrait (§122)
Epicure à Ménécée, salut.
Qu’on ne remette pas la philosophie à plus tard parce qu’on est jeune, et qu’on ne se lasse pas de philosopher parce qu’on se trouve être vieux. Il n’est en effet, pour personne, ni trop tôt ni trop tard lorsqu’il s’agit d’assurer la santé de l’âme. Or celui qui dit que le moment de philosopher n’est pas encore venu, ou que le moment est passé, est semblable à celui qui dit, s’agissant du bonheur, que le moment n’est pas encore venu ou qu’il est passé. Par conséquent, doivent philosopher aussi bien le jeune que le vieillard, celui-ci afin qu’en vieillissant il reste jeune sous l’effet des biens, par la gratitude qu’il éprouve à l’égard des événements passés, et celui-là, afin que, tout jeune qu’il soit, il soit aussi un ancien par son absence de crainte devant ce qui va arriver.
EPICURE, Lettre à Ménécée, GF, trad. Pierre-Marie Morel, p. 49-50
Thèse ?
Il faut philosopher tout de suite.
Contexte/Place dans l’ouvrage
Pourquoi l’injonction à philosopher en ouverture ?
La lettre à Ménécée n’est-elle pas censée expliquer comment trouver le bonheur ?
Justement ! Puisque le contenu de la lettre expose les principes permettant d’atteindre le bonheur, il convient de se mettre au travail rapidement. Epicure écarte d’entrée de fausses objections (trop jeune/trop vieux). La philosophie n’attend pas car la quête du bonheur n’attend pas.
Explication de texte
Introduction
Je rappelle les étapes d’une introduction :
– situer le texte (si possible) : préambule de la lettre ;
– Donner le thème (de quoi parle-t-on ?) : l’injonction à philosopher ;
– Problématiser (expliquer pourquoi le problème se pose et éventuellement les enjeux) : D’un côté on pourrait prétendre que certains individus sont trop jeunes (pas assez matures) pour philosopher et donc supposer qu’il faille attendre un âge minimal MAIS simultanément on peut supposer que la philosophie peut être pratiquée par tous.
– Donner la problématique du texte : Peut-on philosopher dès à présent ?
– Préciser la thèse de l’auteur (la réponse apportée par l’auteur à la problématique) : Oui, il faut philosopher tout de suite, peu importe le contexte.
– Annoncer le découpage du texte.
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Il faut donc consacrer ses soins à ce qui produit du bonheur, tant il est vrai que, lorsqu’il est présent, nous avons tout, et que, lorsqu’il est absent, nous faisons tout pour l’avoir.
(§123) Les recommandations que je t’adresse continuellement, mets-les en pratique et fais-en l’objet de tes soins, reconnaissant en elles distinctement les éléments du bien vivre.
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Epicure : Contre la crainte des dieux
Explication de texte
Légende
Mot d’articulation encadré
Mot ou notion à expliquer au lecteur
Définition
Exemple
Extrait
[…] Considérant que le dieu est un vivant incorruptible et bienheureux, ainsi que la notion commune du dieu en a tracé l’esquisse, ne lui ajoute rien d’étranger à son incorruptibilité, ni rien d’inapproprié à sa béatitude. En revanche, tout ce qui peut préserver en lui la béatitude qui accompagne l’incorruptibilité, juge que cela lui appartient. Car les dieux existent. Evidente est en effet la connaissance que l’on a d’eux.
Mais ils ne sont pas tels que la plupart des hommes les conçoivent. Ceux-ci, en effet, ne les préservent pas tels qu’ils les conçoivent. Est impie, d’autre part, non pas celui qui abolit les dieux de la foule, mais celui qui ajoute aux dieux les opinions de la foule, car les déclarations de la foule à propos des dieux ne sont pas des préconceptions, mais des suppositions fausses.
EPICURE, Lettre à Ménécée, GF, trad. Pierre-Marie Morel, p. 44-45
Thèse ?
Attention ! Pas de hors-sujet. Epicure ne pose pas la question de l’existence des dieux. Il n’est pas en train de démontrer leur existence ou leur inexistence. La question porte sur la définition des dieux : « Sont-ils des êtres parfaits ou des êtres imparfaits (comme le pense la foule) ? »
Ici Epicure défend la thèse que les dieux sont parfaits.
Contexte/Place dans l’ouvrage
Pourquoi parler des dieux ?
La lettre à Ménécée n’est-elle pas censée expliquer comment trouver le bonheur ?
Justement ! Epicure délivre à son lecteur un quadruple remède pour trouver le bonheur. Le premier consiste à se libérer de la crainte des dieux.
Epicure vit à une époque dominée par la superstition. Pour que son lecteur puisse trouver le bonheur, il doit lui montrer qu’il n’a rien à redouter des dieux. Car les dieux sont des êtres parfaits.
Explication de texte
Vous noterez que j’ai fourni de nombreux exemples mythologiques pour illustrer cette analyse (histoire de compléter la culture des élèves) mais vous n’êtes pas tenu d’exposer une vingtaine d’exemples. Deux ou trois suffiront amplement.
Introduction
Je rappelle les étapes d’une introduction :
– situer le texte (si possible) : premier des quatre remèdes de la lettre ;
– Donner le thème (de quoi parle-t-on ?) : les dieux ;
– Problématiser (expliquer pourquoi le problème se pose et éventuellement les enjeux) : d’un côté les dieux sont censés être éternels donc incorruptibles MAIS la mythologie les peint comme des êtres cruels, menteurs et mauvais.
– Donner la problématique du texte : les dieux sont-ils parfaits ?
– Préciser la thèse de l’auteur (la réponse apportée par l’auteur à la problématique) : oui.
– Annoncer le découpage du texte.
Introduction rédigée
Le texte étudié est un extrait de La lettre à Ménécée d’Epicure. Le philosophe explique à son lecteur comment trouver le bonheur grâce à un quadruple remède. Le premier remède, pour trouver le bonheur, consiste à se défaire de la peur des dieux.
Pourquoi avoir peur des dieux ? La foule prête aux dieux des attitudes humaines. La mythologie peint les dieux grecs comme des êtres passionnés qui se livrent aux excès et à des actes immoraux : meurtre, enlèvement, trahison, adultère, etc. De plus, les dieux possèdent une immense puissance qui leur permet de balayer la vie des humains. Zeus peut frapper avec la foudre, Poséidon peut envoyer une tempête couler un navire, Phobos peut instiller la peur dans le cœur des soldats et les faire fuir. En somme, aucun mortel n’est à l’abri des colères divines. Par conséquent, on pourrait envisager que la solution consiste à passer son temps en prières et en offrandes pour calmer les dieux. Pourtant, on pourrait objecter à cette vision populaire une autre conception des dieux. Socrate soulignait déjà dans Euthyphron que les poètes donnent une fausse image des dieux en leur ajoutant des passions humaines. Les dieux sont des êtres immortels et parfaits. Il n’y a aucune raison pour qu’ils se livrent à des passions humaines.
Cette réflexion amène à poser la question : les dieux sont-ils parfaits ? Il est impératif de poser cette question car de la réponse dépend le bonheur humain. Si les dieux sont imparfaits, ils risquent de jouer avec les humains par cruauté, mais s’ils sont parfaits les humains n’ont rien à craindre.
A cette question Epicure que les dieux sont parfaits (et par conséquent il faudrait ne pas s’en inquiéter). Dans un premier temps, Epicure réaffirme leur existence pour, dans un deuxième temps, poser une distinction entre les dieux de la foule et les dieux d’après les superstitions de la foule.
Développement de l’explication
Premier mouvement
Epicure débute ce premier mouvement en posant une définition des dieux. Il adjoint aux dieux deux caractéristiques : l’incorruptibilité et le bonheur. Par incorruptibilité il faut comprendre qu’ils sont inaltérables. Les mortels sont corruptibles, pas au sens où ils seraient victimes de corruption d’ordre pécuniaire, mais au sens où ils se dégradent. Un dieu est comme un cristal, incorruptible, inaltérable, éternel. A l’inverse l’humain évolue, se dégrade, s’enlaidit, s’avachit. Ensuite, les dieux étant parfaits on devine qu’ils sont heureux puisqu’ils ont tout. Les dieux sont incorruptibles : ils ne craignent ni le temps, ni les blessures, ni les maladies, ni la mort. Ils n’ont aucune raison d’être malheureux.
Epicure souligne que sa définition correspond à la définition populaire des dieux tant que la foule n’ajoute rien à cette définition qui soit contradictoire. Il souligne dans la phrase suivante qu’on peut ajouter à cette définition tout ce qui serait cohérent avec cette définition. Par conséquent, Epicure écarte d’emblée tous les défauts qu’on pourrait attribuer aux dieux qui ne seraient pas compatibles avec la définition posée.
Puisque les dieux sont incorruptibles, il serait illogique de penser qu’ils puissent vieillir ou être blessé. S’ils sont heureux, il serait illogique de penser que les dieux puissent être jaloux ou aigris. En revanche, puisque les dieux apparaissent comme des êtres parfaits il ne serait pas impossible d’envisager qu’ils sachent parler le grec.
« Car les dieux existent » rappelle Epicure. Dans le contexte de la Grèce antique, ce genre de rappel semble superflu étant donné que tous les Grecs sont croyants. La religion occupe un rôle prépondérant dans la cité. Soit Epicure choisit de réaffirmer l’existence des dieux grecs pour éviter une accusation d’impiété, soit Epicure choisit de réaffirmer l’existence matérielle des dieux pour les distinguer de constructions imaginaires dénuées d’existence.
Epicure souligne que notre connaissance des dieux serait « évidente ». Difficile de comprendre la notion d’évidence concernant un objet qu’on n’a jamais eu l’occasion de croiser. En revanche, on pourrait faire un détour par les mathématiques pour expliquer cette idée. Imaginons un triangle. Il a trois côtés. C’est évident. Notre connaissance du triangle nous indique qu’il a trois côtés, sans avoir besoin de vérifier tous les triangles. Ici, il faut peut-être interpréter le propos d’Epicure en ce sens. Dès que nous pensons aux dieux, nous leur attribuons l’incorruptibilité et le bonheur (comme si cela faisait partie de leur définition).
Transition
A ce stade, Epicure a rappelé la définition des dieux. Pourtant il n’a pas encore écarté la peur des dieux. Epicure va s’appuyer sur la définition qu’il vient d’énoncer pour démontrer qu’il ne faut s’inquiéter.
Deuxième mouvement
Epicure débute ce deuxième mouvement en exposant la thèse principale de cet extrait : les dieux ne sont pas « tels que la plupart des hommes les conçoivent ». Epicure défend l’idée que les dieux sont parfaits. Or la foule, abreuvée par les récits des poètes, attribue aux dieux des caractéristiques immorales : cupidité, cruauté, jalousie. La mythologie grecque fourmille de récits présentant les dieux sous un jour capricieux. Zeus, le roi des dieux, n’hésite pas à tromper sa femme à la moindre occasion. Héra, l’épouse officielle de Zeus, trop craintive pour se venger sur son époux, choisit généralement d’assouvir sa colère sur les maîtresses de Zeus ou même sur ses enfants illégitimes. Ainsi Héra n’hésite pas à envoyer deux serpents pour tuer le jeune bébé Hercule. On peut encore citer Athéna, déesse de la sagesse, qui transforme une femme en monstre pour le motif (discutable) qu’elle s’est « laissée violer » dans son temple. Aphrodite choisit de tromper son mari Héphaïstos avec le dieu de la guerre Arès. Hermès, le dieu des voleurs, dérobe un troupeau au dieu des arts Apollon. Enfin on ne mentionnera pas Cronos, le titan, dévorant ses enfants. C’est un beau tableau que peint la mythologie.
Epicure développe son argumentation en soulignant que les hommes ne « préservent » pas les dieux tels qu’ils les « conçoivent ». Il faut ici distinguer les deux termes. On conçoit les dieux comme des idées, on les définit. Quand on les définit on les considère comme incorruptibles et bienheureux donc parfaits. Or les hommes ajoutent à cette définition des récits et des attributs incohérents. Ils ne préservent pas la définition des dieux telle qu’elle devrait être.
Epicure en profite alors pour redéfinir l’impiété. L’impiété, le contraire de la piété, est un crime consistant à ne pas croire aux dieux. Mais Epicure choisit de modifier la définition de ce péché. Finalement le vrai crime ne consiste pas à nier l’existence des dieux de la foule (Zeus, Athéna, Poséidon). Il serait nettement plus grave d’ajouter les « opinions » de la foule aux dieux, c’est-à-dire accorder crédit aux récits mythologiques qui adjoignent aux dieux les défauts des hommes. Car les déclarations de la foule sont des « suppositions fausses », autrement dit des mensonges.
L’argument d’Epicure ne manque pas de pertinence. Imaginons un instant que nous soyons des dieux. Qu’est-ce qui nous dérangerait le plus ? Que des humains ne croient pas en nous ? Cela importe peu, nous sommes parfaits et bienheureux. Ou que les humains racontent des mensonges sur nous ? Cela est déjà plus dérangeant. Les humains nous attribuent tous leurs défauts alors que nous sommes parfaits.
En tous cas, ce passage permet à Epicure de démontrer la perfection des dieux, permettant ainsi d’effacer la crainte des dieux générée par les superstitions. Puisque les dieux sont parfaits ils ne peuvent pas être jaloux ou cruels. Ils n’ont aucune raison de causer du tort aux humains, il est donc inutile de s’inquiéter. Nous pouvons être heureux.
Conclusion/critique
Mot de votre professeur : Honnêtement, j’ai éprouvé quelques difficultés pour trouver une critique à formuler au sujet de ce passage. Epicure critique la superstition de manière cohérente. Quasiment tous les philosophes, croyants ou athées, se rejoignent sur cette critique de la superstition. Même les philosophes du soupçon se sont rangés derrière le matérialisme d’Epicure (voir la thèse de Marx) par conséquent il était difficile de formuler une objection. S’il vous arrive la même chose (tomber sur un texte que vous approuvez complètement), signalez au correcteur que vous ne voyez pas d’objection (en expliquant bien pourquoi). J’ai tout de même cherché quelques objections.
Dans ce passage Epicure propose une conception des dieux qui coupe la religion des hommes. En attribuant aux dieux des caractéristiques humaines, on permettait aux humains de se reconnaître dans les dieux. Ici Epicure nous présente des dieux qui ne se soucient plus des affaires humaines. Les dieux vivent dans leur monde, ils sont heureux. On pourrait soupçonner Epicure de proposer un athéisme déguisé en reléguant les dieux à un second plan. Si les dieux ne s’occupent plus des affaires humaines autant ne pas avoir de dieux du tout.
Une autre objection que l’on pourrait formuler au sujet de ce passage serait d’ordre moral. Certes les dieux parfaits présentent un bon modèle à suivre mais si les humains ne craignent plus les dieux ils risquent de faire n’importe quoi. Les humains n’auront plus de scrupule à enfreindre les lois morales puisqu’ils ne craindront plus les dieux.
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Il en résulte que les dieux sont à l’origine des plus grands malheurs et des plus grands bienfaits. En effet, adonnés en toutes circonstances à leurs propres vertus, ils sont favorables à ceux qui leur ressemblent et considèrent comme étranger tout ce qui n’est pas tel.
Epicure : la crainte de la mort
Explication de texte
Légende
Mot d’articulation encadré
Mot ou notion à expliquer au lecteur
Définition
Exemple
Extrait
Accoutume-toi à considérer que la mort n’est rien pour nous, puisque tout bien et tout mal sont contenus dans la sensation ; or la mort est privation de sensation. Par suite, la sûre connaissance que la mort n’est rien pour nous fait que le caractère mortel de la vie est source de jouissance, non pas en ajoutant à la vie un temps illimité, mais au contraire en la débarrassant du regret de ne pas être immortel. En effet, il n’y a rien de terrifiant dans le fait de vivre pour qui a réellement saisi qu’il n’y a rien de terrifiant dans le fait de ne pas vivre. Aussi parle-t-il pour ne rien dire, celui qui dit craindre la mort, non pour la douleur qu’il éprouvera en sa présence, mais pour la douleur qu’il éprouve parce qu’elle doit arriver un jour ; car ce dont la présence ne nous gêne pas ne suscite qu’une douleur sans fondement quand on s’y attend. Ainsi, le plus effroyable des maux, la mort, n’est rien pour nous, étant donné, précisément, que quand nous sommes la mort n’est pas présente ; et que, quand la mort est présente, alors nous ne sommes pas. Elle n’est donc ni pour les vivants ni pour ceux qui sont morts, étant donné, précisément, qu’elle n’est rien pour les premiers et que les seconds ne sont plus.
EPICURE, Lettre à Ménécée, GF, trad. Pierre-Marie Morel, p. 45-46
Thèse ?
La mort n’est rien.
Contexte/Place dans l’ouvrage
Pourquoi parler de la crainte de la mort ?
La lettre à Ménécée n’est-elle pas censée expliquer comment trouver le bonheur ?
Justement ! Epicure délivre à son lecteur un quadruple remède pour trouver le bonheur. Le deuxième consiste à délivrer les individus de la crainte de la mort.
Il n’est pas nécessaire de connaître la pensée grecque pour réaliser l’explication de ce texte mais notez que les Grecs croyaient à l’existence d’une vie après la mort. Selon eux, il faut placer une obole sous la langue du mort pour lui permettre de payer Charon le passeur des Enfers. Notez que la guerre traditionnelle des Grecs autorisait les deux camps à récupérer les cadavres après une bataille. Le fait de ne pas enterrer un mort est extrêmement grave comme l’illustre bien la pièce de Sophocle Antigone.
L’Hadès, le monde des morts est constitué de plusieurs zones. Les « Champs Elysées » forment une sorte de paradis réservé aux dieux et aux héros. Les humains ordinaires n’y rentrent pas. La majorité des morts finissent dans la plaine des Asphodèles. Une sorte de grand terrain neutre. Enfin, les criminels sont enfermés dans le Tartare où ils subissent d’effroyables châtiments.
Explication de texte
Introduction
Je rappelle les étapes d’une introduction :
– situer le texte (si possible) : deuxième des quatre remèdes de la lettre ;
– Donner le thème (de quoi parle-t-on ?) : la crainte de la mort ;
– Problématiser (expliquer pourquoi le problème se pose et éventuellement les enjeux) : La mort est censée être la fin de la vie (donc de la souffrance) MAIS de nombreux récits mythologiques font état d’un monde des morts dans lequel les humains souffrent mille tourments.
– Donner la problématique du texte : Faut-il craindre la mort ?
– Préciser la thèse de l’auteur (la réponse apportée par l’auteur à la problématique) : non.
– Annoncer le découpage du texte.
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Mais la plupart des hommes, tantôt fuient la mort comme si elle était le plus grand des maux, tantôt la choisissent comme une manière de se délivrer des maux de la vie. Le sage, pour sa part, ne rejette pas la vie et il ne craint pas non plus de ne pas vivre, car vivre ne l’accable pas et il ne juge pas non plus que ne pas vivre soit un mal. Et de même qu’il ne choisit nullement la nourriture la plus abondante mais la plus agréable, il ne cherche pas non plus à jouir du moment le plus long, mais du plus agréable.
Quant à celui qui recommande au jeune homme de bien vivre et au vieillard de bien achever de vivre, il est stupide, non seulement si l’on tient compte des satisfactions que la vie procure, mais aussi c’est parce que c’est par un seul et même soin que l’on parvient à bien vivre et à bien mourir. Et il est encore bien pire, celui qui dit que c’est une belle chose que de ne pas être né, et une fois né de franchir au plus vite les portes de l’Hadès. En effet, s’il est convaincu de ce qu’il affirme ainsi, comment se fait-il qu’il ne quitte pas la vie ? De fait, c’est à sa portée, pourvu qu’il y soit fermement déterminé. En revanche, si c’est une plaisanterie de sa part, il parle pour ne rien dire sur des questions qui ne l’admettent pas.
Il faut en outre garder en mémoire que ce qui va arriver n’est pas en tout point sous notre gouverne, et qu’il n’y échappe pas non plus en tout point, afin que ne l’attendions pas comme s’il devait infailliblement se produire, et que nous ne nourrissions pas non plus l’espoir qu’il ne se produise absolument pas.
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Epicure : Faut-il chercher le bonheur dans le plaisir ?
Explication de texte
Légende
Mot d’articulation encadré
Mot ou notion à expliquer au lecteur
Définition
Exemple
Extrait
Maintenant il faut parvenir à penser que, parmi les désirs, certains sont fondés en nature, d’autres sont vains. Parmi les désirs naturels, certains sont nécessaires, d’autres ne sont que naturels. Parmi les désirs naturels, les uns sont nécessaires pour le bonheur, les autres pour le calme du corps, d’autres enfin simplement pour le fait de vivre. […] Et c’est pourquoi nous disons que le plaisir est le commencement et la fin de la vie bienheureuse. Car il est le premier des biens naturels. Il est au principe de nos choix et refus ; il est le terme auquel nous atteignons chaque fois que nous décidons quelque chose, avec, comme critère du bien, notre sensibilité. Précisément parce qu’il est le bien premier, épousant notre nature, c’est toujours lui que nous recherchons. Mais il est des cas où nous méprisons bien des plaisirs : lorsqu’ils doivent avoir pour suite des désagréments qui les surpassent ; et nous estimons bien des douleurs meilleures que les plaisirs : lorsque, après les avoir supportées longtemps, le plaisir qui les suit est plus grand pour nous. Tout plaisir est en tant que tel un bien et cependant il ne faut pas rechercher tout plaisir ; de même la douleur est toujours un mal, pourtant elle n’est pas toujours à rejeter. Il faut en juger à chaque fois, en examinant et comparant avantages et désavantages, car parfois nous traitons le bien comme un mal, parfois au contraire nous traitons le mal comme un bien.
EPICURE, Lettre à Ménécée, trad. Solovine
Ce célèbre extrait de la Lettre à Ménécée pose que « le plaisir est le commencement et la fin de la vie bienheureuse ». Il ne faut toutefois pas assimiler la doctrine d’Epicure à un simple hédonisme vulgaire, contrairement à ce que laisse entendre aujourd’hui l’adjectif « épicurien ». Ce n’est pas la satisfaction de n’importe quel désir, et, par conséquent, l’obtention de n’importe quel plaisir, qui peut, selon Epicure, procurer le bonheur. L’ensemble de cet extrait sous-entend en effet une distinction célèbre que laisse entrevoir le début du texte : « parmi les désirs, certains sont fondés en nature, d’autres sont vains ». Il y a donc une première séparation entre les désirs naturels et les désirs non naturels. Epicure en ajoute une seconde, à l’intérieur de la catégorie des désirs naturels : « Parmi les désirs naturels, certains sont nécessaires, d’autres ne sont que naturels ». La tradition a systématisé par la suite cette célèbre classification des désirs. A quoi correspondent-ils ? Epicure appelle « plaisirs naturels et nécessaires » ceux qui accompagnent la satisfaction d’un besoin vital (par exemple, boire ou manger) ; il nomme « plaisirs naturels et non nécessaires », ceux liés à un certain luxe, mais toujours par rapport à la satisfaction de besoins vitaux (boire du vin, manger un mets recherché). Enfin, il y a les « plaisirs non naturels et non nécessaires », lesquels ne sont pas liés aux exigences de notre constitution biologique : par exemple, le plaisir d’aller au théâtre, de suivre la mode, de la coiffure, mais aussi tout ce qui alourdit la dépendance de l’homme à des objets dont il n’a pas besoin. La morale que fonde Epicure est donc, en réalité, austère et ne correspond pas du tout à la conception vulgarisée de « la vie épicurienne ». Le bonheur se trouve dans la satisfaction des désirs qui « épousent notre nature ». Notre sensibilité, c’est-à-dire la réceptivité sensorielle de nos organes des sens, nous fournit, certes, la mesure du bien, sous la forme du sentiment de l’agréable. Mais c’est bien la nature qui fixe la somme des plaisirs qu’il faut rechercher, ceux articulés aux besoins. De tels plaisirs ne connaissent pas d’excès et ne peuvent conduire l’âme à l’intempérance, source de tous les maux. En effet, la nature fixe des normes de satisfaction, le sentiment de satiété, au-delà duquel le fait de boire ou de manger, par exemple, ne provoque plus aucun plaisir. Ces distinctions nous font comprendre pourquoi Epicure peut écrire, à la fin de cet extrait, « qu’il ne faut pas rechercher tout plaisir » et pourquoi il nous faut parfois traiter le bien (c’est-à-dire l’agréable) comme « un mal ». Les plaisirs qui échappent à la norme de la nature peuvent, eux, en effet, conduire à l’excès, à la dépendance, à l’aliénation, car ils ne se règlent pas sur les besoins du corps.
Ce texte s’oppose à toutes les doctrines qui ont refusé d’identifier le plaisir (en grec hedonê) et le bonheur (en grec eudémonia), voyant dans le premier un état bref et passager, contraire à l’idée de plénitude temporelle que comporte celle de bonheur. Mais l’opposition doctrinale la plus frontale concerne la différence avec le stoïcisme. Ce dernier courant de pensée, fondé au IIIe siècle av. J.-C. par Zénon de Citium et Chrysippe, refuse de faire du plaisir la condition du bonheur, insistant plutôt sur son caractère instable et éphémère. Pour les stoïciens, le bonheur doit ressembler à une mer étale, qu’aucune agitation de surface ne vient troubler, paix intérieure contraire à l’inquiétude du désir, sérénité de l’âme qu’ils nomment ataraxie. En réalité, Epicure revendique le même objectif mais en privilégiant les plaisirs simples et naturels.
Epicure : l’autosuffisance
Explication de texte
Légende
Mot d’articulation encadré
Mot ou notion à expliquer au lecteur
Définition
Exemple
Extrait
[…] nous considérons l’autosuffisance elle aussi comme un grand bien, non pas dans l’idée de faire avec peu en toutes circonstances, mais afin que, dans le cas où nous n’avons pas beaucoup, nous nous contentions de peu, parce que nous sommes légitimement convaincus que ceux qui ont le moins besoin de l’abondance sont ceux qui en tirent le plus de jouissance, et que tout ce qui est naturel est facile à acquérir, alors qu’il est difficile d’accéder à ce qui est sans fondement. Car les saveurs simples apportent un plaisir égal à un régime d’abondance quand on a supprimé toute la souffrance qui résulte du manque, et du pain et de l’eau procurent le plaisir le plus élevé, lorsqu’on s’en procure alors qu’on en manque. Donc, s’accoutumer aux régimes simples et non abondants assure la plénitude de la santé, rend l’homme actif dans les occupations nécessaires à la conduite de la vie, nous met dans de plus fortes dispositions quand nous allons, par moments, vers l’abondance, et nous prépare à être sans crainte devant les aléas de la fortune.
EPICURE, Lettre à Ménécée, GF, trad. Pierre-Marie Morel, p. 49-50
Thèse ?
« L’autosuffisance » est un « grand bien ».
Pour trouver le bonheur, il faut savoir se satisfaire de peu.
Contexte/Place dans l’ouvrage
Pourquoi parler de l’autosuffisance ?
La lettre à Ménécée n’est-elle pas censée expliquer comment trouver le bonheur ?
Justement ! Epicure délivre à son lecteur un quadruple remède pour trouver le bonheur. Le quatrième consiste à savoir se satisfaire de peu.
Il n’est pas nécessaire de connaître la pensée grecque pour réaliser l’explication de ce texte mais notez que l’autarcie est un idéal grec. La bonne cité est une cité autarcique capable de pourvoir à tous ses besoins, la cité qui ne dépend de personne.
Explication de texte
Introduction
Je rappelle les étapes d’une introduction :
– situer le texte (si possible) : quatrième des quatre remèdes de la lettre ;
– Donner le thème (de quoi parle-t-on ?) : l’autosuffisance ;
– Problématiser (expliquer pourquoi le problème se pose et éventuellement les enjeux) ;
– Donner la problématique du texte : Faut-il chercher à accumuler les plaisirs ou savoir se satisfaire de peu ?
– Préciser la thèse de l’auteur (la réponse apportée par l’auteur à la problématique) : Il faut savoir se satisfaire de peu.
– Annoncer le découpage du texte.
Introduction rédigée
Le texte étudié est un extrait de La lettre à Ménécée d’Epicure. Le philosophe explique à son lecteur comment trouver le bonheur grâce à un quadruple remède. Le quatrième et dernier remède, pour trouver le bonheur, la doctrine de l’autosuffisance, consiste à savoir se satisfaire de peu.
Certains humains considèrent que le bonheur consiste à accumuler. Dans une certaine mesure, l’accumulation est une garantie contre les imprévus. Ainsi on peut constituer des réserves de provisions pour éviter les famines et les catastrophes climatiques. Pourtant, certains individus accumulent au-delà du nécessaire. L’histoire et la littérature offrent de nombreux exemples d’individus qui cherchent à posséder toujours plus : Alexandre voulait un empire toujours plus vaste, l’Avare veut toujours plus d’argent, Dom Juan veut toujours plus de femmes, etc. Les sociétés occidentales contemporaines, dites « sociétés de consommation », cherchent à consommer et à s’équiper en gadgets inutiles : téléviseurs géants, lecteurs de dvd, téléphones, ordinateurs, tablettes tactiles, etc. Cette situation semble traduire l’idéologie selon laquelle il faudrait accumuler, posséder toujours plus, demander toujours plus. A l’inverse les sagesses de l’Antiquité préconisaient souvent la tempérance et la prudence. Il vaut mieux se satisfaire de ce qu’on a que de désirer l’impossible. Il est préférable de jouir de nos possessions plutôt que de vivre dans l’insatisfaction.
Ceci nous amène à un paradoxe. D’une part, il semblerait qu’il faille toujours posséder plus pour s’approcher du bonheur mais cette quête, jamais aboutie, risque de n’engendrer qu’insatisfaction. Par conséquent nous sommes amenés à nous interroger : Faut-il chercher à accumuler les plaisirs ou savoir se satisfaire de peu ?
A cette question, Epicure répond que pour trouver le bonheur il faut savoir se satisfaire de peu.
Dans un premier mouvement Epicure explicite sa thèse : il faut savoir vivre avec peu (mais pas forcément vivre avec peu). Puis, dans un second mouvement, le philosophe expose les raisons qui justifient cette thèse. Enfin, dans le troisième mouvement il peut conclure qu’il faut s’habituer à des régimes simples en expliquant les avantages.
Développement de l’explication
Premier mouvement
Epicure débute cet extrait en énonçant sa thèse : l’autosuffisance est un « grand bien » (ligne 1).
Faut-il y voir l’idéal autarcique grec tel qu’on le trouve chez les prédécesseurs d’Epicure ? Se suffire à soi-même, c’est ne pas dépendre d’autre chose (dans le cadre de la doctrine épicurienne on comprend qu’Epicure pense surtout à l’indépendance vis-à-vis des plaisirs non nécessaires). Epicure encourage à se contenter de peu. Pourquoi ? Dans une philosophie hédoniste qui fait du plaisir le principe du bonheur, pourquoi se contenter de peu alors qu’une lecture naïve de l’hédonisme encouragerait à poursuivre les plaisirs et à les accumuler ?
Epicure va d’abord écarter une fausse explication avant de présenter les trois raisons pour lesquelles il faut savoir se contenter de peu.
Epicure récuse l’explication selon laquelle il faudrait toujours vivre « de peu », c’est-à-dire avec pas grand-chose. Le philosophe n’encourage pas à vivre dans le dénuement ou la pauvreté. Faisons une distinction. Epicure ne dit pas qu’il faut vivre avec peu. Epicure dit qu’il faut savoir vivre avec peu (et savoir l’apprécier).
Pourquoi ?
Deuxième mouvement
La première véritable raison est que si l’abondance et les richesses viennent à manquer, ceux qui savent se contenter de peu ne sombreront pas dans la souffrance. Ils auront toujours ce « peu » et ils sauront déjà en tirer du plaisir.
Imaginons un contre-exemple. Imaginons un noble athénien extrêmement riche, habitué à mener la grande vie : vins, fêtes, théâtre, etc. S’il est ruiné du jour au lendemain à cause d’une guerre ou d’une épidémie, il perdra toutes ses possessions matérielles. S’il passe ses journées à ruminer sa fortune perdue, s’il se plaint du goût de l’eau et du pain, cet homme ne sera jamais heureux.
La deuxième raison étant que ceux qui ne vivent pas dans l’abondance y prennent plus de plaisir quand celle-ci se présente. C’est l’idée que la privation entraîne davantage de plaisir. Exemple : si nous avons un paysan athénien habitué à boire de l’eau. Il prend du plaisir en buvant de l’eau. Mais le jour où il boit du vin, pour une fête religieuse par exemple, il en retire plus de plaisir parce qu’il n’a pas l’habitude. A l’inverse, le noble habitué à boire des grands vins, ne prendra pas de plaisir supplémentaire en goutant du vin.
La troisième raison est que « tout ce qui est naturel est aisé à se procurer ». Epicure renvoie ici à un passage précédent de La lettre à Ménécée dans lequel il distinguait les différents désirs. Le philosophe a opéré une distinction entre les désirs naturels (manger, boire, s’abriter, philosopher) et les désirs non naturels (les honneurs, la gloire, les fonctions politiques). Epicure fait remarquer qu’il est plus facile de se procurer ce qui comblera nos désirs naturels que ce qui comblera nos désirs non-naturels.
Exemple : Un athénien qui veut manger un morceau de pain, parce qu’il a faim, peut y parvenir facilement et prendre du plaisir. Si un athénien rêve de diriger Athènes, cela risque d’être assez difficile.
Ces trois raisons expliquent pourquoi il faut savoir se contenter de peu. Epicure va lui-même justifier ses raisons dans les lignes qui suivent.
Troisième mouvement
Pour Epicure, le besoin naturel existe (la faim, la soif). Quand on est dans la besoin, on souffre. Si on comble ce besoin, on éprouve du plaisir, puisque la douleur cesse. C’est l’argument qu’Epicure développe. Quand on mange pour satisfaire sa faim, cela procure autant de plaisir qu’un somptueux banquet. Ceux qui ont connu le manque prendront plus de plaisir en étanchant leur soif. Cette idée peut facilement s’illustrer. Qui n’a jamais éprouvé du plaisir en buvant un simple verre d’eau après avoir subi la soif pendant des heures ? Qui pourrait prétendre qu’un simple verre d’eau, un jour de canicule, n’a pas plus de saveur qu’un verre de vin en temps normal ?
Epicure choisit les exemples du pain d’orge et de l’eau. Il choisit pour illustrer son idée les aliments basiques : ceux qui ne procurent pas forcément de plaisir mais qui comblent le manque.
(Hypothèse possible) Ou alors, ce pourrait être un clin d’œil à l’histoire grecque pour un public cultivé. En effet, Plutarque nous rapporte que lorsque les Ephésiens étaient assiégés par les Perses, le présocratique Héraclite serait monté à la tribune pour demander aux Ephésiens de modérer leur train de vie. Il ne fit pas de discours. Il prit une coupe d’eau, y mêla de la farine d’orge, but le tout et partit. Il fit ainsi la démonstration qu’on pouvait vivre avec peu.
Epicure poursuit avec les avantages d’une alimentation sobre. Il parle de l’« habitude » d’une nourriture simple, ce qui renvoie à notre idée précédente. Un épicurien peut avoir de l’argent mais c’est une question d’habitude : il faut s’habituer à la simplicité.
La première raison étant la santé. Une nourriture simple assure la santé. Or la santé c’est l’absence de maladies. C’est donc l’absence de douleur. C’est donc l’absence de mal. Pour un épicurien, la santé est un bien.
La santé laisse au citoyen la liberté de se consacrer à ce qu’Epicure appelle les « devoirs nécessaires de la vie ». Dans le contexte, on suppose qu’il ne s’agit pas des devoirs civiques ou religieux mais des devoirs relatifs à la vie : manger, boire et philosopher (puisque Epicure a insisté sur la nécessité de philosopher au début de la lettre).
La deuxième raison est que l’on éprouve plus de plaisir en mangeant un bon repas après une période de frugalité. La privation entraîne davantage de plaisir. L’homme qui ferait de bons repas tous les jours y serait habitué. L’homme qui s’est habitué à vivre de peu, prendra du plaisir quand un supplément viendra s’ajouter à son quotidien.
La troisième raison est de nous permettre d’échapper à la peur de la « mauvaise fortune ». Les Grecs pensaient que les dieux pouvaient décider subitement de nous réduire à la pauvreté par caprice. Epicure ne croit pas que les dieux puissent être mauvais : le premier remède de la lettre consistait justement à démontrer la perfection des dieux. Envisageons tout de même que le destin (ou le hasard) nous réduise à la pauvreté du jour au lendemain, celui qui a l’habitude de se contenter de peu, n’en souffrira pas. A l’inverse celui qui s’est habitué au luxe en souffrira.
Par conséquent, l’homme qui philosophe, celui qui sait se contenter de peu, ne craint pas les coups du sort puisqu’il sait qu’il y survivra. Puisqu’il n’a pas peur il peut vivre sereinement (et viser l’ataraxie comme on le verra plus loin dans la lettre). A l’inverse l’homme de la foule, qui ne sait pas se contenter de ce qu’il a, vivra dans le trouble car il aura peur de perdre ce qu’il a.
En somme, cet extrait expose les raisons pour lesquelles il faut s’habituer à se contenter de peu, ce qui se traduit dans la pratique par l’adoption de régimes simples. Epicure a donc soigneusement tempéré cette idée de plaisir comme principe du bonheur qui aurait pu laisser entrevoir un hédonisme radical.
Conclusion/critique
Mot de votre professeur : Encore une fois il est difficile de formuler des objections à cette doctrine pleine de bon sens mais il faut réfléchir. S’accoutumer à se satisfaire de peu, n’est-ce pas à une forme de résignation déguisée ? N’est-ce pas une morale des « faibles » ?
On pourrait objecter à Epicure que cette doctrine de l’autosuffisance, comme capacité à se satisfaire de peu, semble être une forme de résignation déguisée pour les pauvres et les démunis. Si on enseignait ce genre de philosophie, cela se traduirait dans la pratique par la disparition de l’ambition. Si chacun était satisfait de ce qu’il a, plus personne ne serait animé par de grandes passions, personne ne chercherait à se dépasser. On pourrait alors oublier les revendications sociales, les découvertes scientifiques, les explorations des zones inconnues, etc.
ATTENTION !
Réfléchissez bien avant de formuler une objection. On ne peut critiquer un texte que s’il est compris correctement.
è Cette objection est quelque peu malhonnête car ce serait faire une lecture faussée d’Epicure. Le philosophe grec conseillait d’apprendre à se satisfaire de peu mais n’a jamais exigé de ses disciples qu’ils vivent avec peu. Donc cette doctrine de l’autosuffisance n’incite pas à l’inaction.
***
Quand donc nous disons que le plaisir est la fin, nous ne parlons pas des plaisirs des débauchés ni de ceux qui consistent dans les jouissances – comme le croient certains qui, ignorant de quoi nous parlons, sont en désaccord avec nos propos ou les prennent dans un sens qu’ils n’ont pas–, mais du fait, pour le corps, de ne pas souffrir et, pour l’âme de ne pas être troublée. En effet, ce n’est ni l’incessante succession des beuveries et des parties de plaisir, ni les jouissances que l’on trouve auprès des jeunes garçons et des femmes, ni celles que procurent les poissons et tous les autres mets qu’offre une table abondante, qui rendent la vie agréable : c’est un raisonnement sobre, qui recherche la connaissance exacte des raisons de tout choix et de tout refus, et qui rejette les opinions à partir desquelles une extrême confusion s’empare des âmes.
Courte explication
Ce passage reprend la thèse du passage précédent en l’illustrant. Epicure réexplique son idée pour éviter une mauvaise interprétation car dire que le plaisir est la « fin » (c’est-à-dire l’objectif) risque de conduire à un hédonisme radical.
Epicure soupçonne ces adversaires (ici l’élève de terminale peut mentionner les stoïciens) de déformer sa thèse. Le philosophe défend l’idée que le plaisir permet d’atteindre l’aponie (l’absence de souffrance pour le corps) et l’ataraxie (l’absence de trouble pour l’âme). Epicure présente plusieurs exemples, traditionnellement associés à l’idée de débauche ou de plaisir débridé, pour mieux les rejeter.
La clé du bonheur réside dans un « raisonnement sobre ». Epicure défend donc un hédonisme modéré.
***
Or le principe de tout cela et le plus grand bien c’est la prudence. C’est pourquoi la prudence est plus respectable encore que la philosophie, car elle entraîne naturellement tout le reste des vertus, enseignant qu’il n’est pas possible de mener une vie agréable, qui ne soit pas prudente, belle et juste, pas plus que la vie ne peut être prudente, belle et juste si elle n’est pas agréable. Car les vertus sont naturellement liées à la vie agréable et la vie agréable en est inséparable.
Courte explication
Il s’agit ici d’analyser le concept de « prudence ».
On a vu plus haut qu’Epicure disait que le plaisir est un bien et la souffrance un mal. Il semblait évacuer les questions morales au profit d’un calcul des plaisirs pourtant les « vertus » ressurgissent.
Pour les stoïciens, c’est la vertu qui mène au bonheur. Ici Epicure défend une théorie radicalement différente. C’est la prudence (c’est-à-dire savoir sélectionner les bons plaisirs) qui « entraîne » les autres vertus. Ce n’est pas la vertu qui mène au bonheur mais le contraire. C’est le bonheur qui entraîne les vertus.
Epicure : Conclusion de la lettre
Dès lors, qui considères-tu comme supérieur à celui qui porte sur les dieux des jugements pieux ; qui demeure continûment sans crainte devant la mort ; qui a pris en compte la fin de la nature ? Il comprend que la limite des biens est facile à atteindre dans sa plénitude et à acquérir, alors que celle des maux dure peu de temps ou n’inflige que peu de peines. Il proclame d’autre part que <le destin>, que certains présentent comme le maître de toutes choses, <ne l’est pas. Il estime pour sa part que certaines choses se produisent par nécessité>, tandis que d’autres sont le fait de la fortune, parce que la nécessité ne peut rendre de comptes. Quant à la fortune, il voit qu’elle est incertaine, tandis que ce qui est en notre pouvoir est sans maître et que le blâme et son contraire en sont la suite naturelle (puisqu’il vaudrait mieux suivre la fable sur les dieux, que s’asservir au destin des physiciens : la première, en effet, dessine l’espoir de fléchir les dieux en les honorant, tandis que le second ne contient qu’une inflexible nécessité). Il comprend d’autre part que la fortune n’est ni un dieu, comme le croient la plupart des hommes – car rien de ce qui est accompli par un dieu n’est désordonné–, ni une cause inconstante de tout – il ne croit pas, en effet, que les hommes lui doivent le bien et le mal dont dépend la vie bienheureuse, mais que des prémisses de biens et de maux importants ont été produites par elle–, considérant qu’il vaut mieux être infortuné et bien raisonner que fortuné et mal raisonner. Car il est préférable que, dans nos actions, ce que nous avons décidé avec raison ne soit pas favorisé par la fortune.
Courte explication
Pour comprendre cet extrait, il faut maîtriser le reste de l’ouvrage. On a vu avec Epicure la « fable sur les dieux ». En réalité, les dieux ne sont pas concernés par les humains.
La clé du bonheur réside dans le raisonnement (et plus précisément dans le calcul des plaisirs). Le bonheur dépend-il de la « fortune », c’est-à-dire de la chance ? Non.
***
Ainsi, fais de ces choses et de celles qui s’y apparentent l’objet de tes soins, jour et nuit, pour toi-même et pour qui t’est semblable, et jamais, ni éveillé ni en songe, tu ne connaîtras de trouble profond, mais tu vivras comme un dieu parmi les hommes. Car il n’est en rien semblable à un vivant mortel l’homme qui vit au milieu de biens immortels.
Courte explication
Epicure conclut la lettre par une injonction à pratiquer la philosophie constamment. Cette méthode permet d’éviter le trouble, comme on l’a expliqué tout au long de la lettre, et donc d’atteindre l’ataraxie.
Ce dernier paragraphe comporte une expression paradoxale qu’il convient d’expliquer. « Tu vivras comme un dieu parmi les hommes ». Comment est-ce possible ? Pour le sens commun, vivre comme un dieu reviendrait à posséder l’immortalité ou un grand pouvoir (et peut-être des richesses). Comment le fait de manger du pain et de boire de l’eau pourrait-il permettre de vivre comme un dieu ? Il y a là un aspect étrange qu’il faut élucider. Epicure donne l’explication dans la phrase suivante : celui qui vit au milieu de biens immortels (Que peut-il exister comme biens immortels ?) n’est plus semblable aux autres vivants mortels (sous-entendu : qui se contentent de biens périssables).
Les dieux sont des êtres parfaits qui vivent, sans crainte, dans le bonheur. L’homme qui applique les conseils d’Epicure se libère de toutes les craintes et connait le chemin du bonheur. Il peut donc vivre comme un dieu, malgré sa condition d’humain. Le philosophe n’est pas un dieu mais il peut vivre comme un dieu.
L’épreuve orale de philosophie
L’oral de philosophie au baccalauréat est une épreuve de rattrapage pour les candidats ayant obtenu une moyenne générale comprise entre 8 et 10. Il est recommandé de s’y préparer sérieusement (surtout pour les élèves de série L et ES). Il est en effet possible d’avoir de bonnes notes si on n’attend pas la dernière minute pour prendre connaissance des modalités de l’épreuve.
Les instructions officielles
Durée de l’épreuve : 20 minutes.
Temps de préparation : 20 minutes.
Principe de l’épreuve : explication d’un texte extrait de l’œuvre (ou des œuvres) étudiée(s) en classe et présente(s) sur la liste officielle préparée par le professeur et validée par l’établissement. Cette explication est suivie d’un court entretien avec l’examinateur. La liste comporte :
– Deux œuvres au moins en série L ;
– Une œuvre au moins dans les séries ES et S.
Remarques :
– Si l’œuvre n’a été étudiée que dans certaines de ses parties, la délimitation précise des parties concernées doit être indiquée explicitement sur la liste.
– Si le candidat ne présente aucune liste, ou présente une liste non conforme au programme, l’examinateur présentera un texte de son choix au candidat.
Attention ! Toujours se présenter avec deux exemplaires du livre (un pour soi et un pour l’examinateur).
Déroulement de l’épreuve
L’examinateur choisit un bref fragment que le candidat doit expliquer.
Généralement, on demande à l’élève de commencer par lire le texte. Cette lecture est importante car sa clarté témoigne déjà de la compréhension du candidat.
Elle est suivie de l’explication linéaire du texte. Pas plus qu’à l’écrit on n’exige du candidat une connaissance étendue de l’auteur et de l’histoire de la philosophie. En revanche, il est vivement déconseillé de se présenter sans avoir lu attentivement les œuvres présentées sur la liste.
Les questions de l’examinateur : la règle est la bienveillance – il s’agit d’un oral de rattrapage. L’examinateur est d’abord là pour contrôler votre travail tout au long de l’année. Les questions qu’il pose ne sont donc pas des pièges mais au contraire des tentatives pour vous guider et vous aider à rectifier par vous-même vos erreurs.
Construire une explication orale
La méthode est la même que pour l’explication de texte écrite mais le temps de préparation est bref (impossible de tout rédiger au brouillon). Il faut donc avoir la méthode de l’explication et le contenu de l’œuvre « dans la tête ».
L’introduction
Présentation de l’auteur et de l’œuvre : cette présentation est obligatoire à l’oral car l’œuvre est supposée connue. Il est recommandé de préparer à l’avance cette présentation et de l’apprendre par cœur pour gagner du temps et vaincre votre trac.
Attention : cette présentation doit rester brève et servir à comprendre l’extrait. En aucun cas vous ne devez perdre vos 20 minutes à réciter la biographie ou la doctrine d’un auteur.
Situer le texte à expliquer dans le plan de l’œuvre étudiée : là encore, il est recommandé d’apprendre par cœur le plan précis et détaillé de l’œuvre étudiée pour ne pas avoir à l’écrire. En revanche, vous devez rédiger avec précision, au brouillon :
– Le problème du texte ;
– La thèse du texte ;
– Les différents arguments et leur logique.
Le développement
Vous devez avoir sous les yeux le texte avec des mots surlignés et le découpage logique ainsi qu’un brouillon sur lequel vous avez noté au fur et à mesure les idées et les concepts importants à commenter. Vous n’avez pas le temps de tout rédiger, il faut donc uniquement noter des repères mnémotechniques vous permettant d’improviser à l’oral.
L’explication doit être linéaire et suivre la logique et les arguments du texte. En aucun cas vous ne devez choisir pour disserter des mots et des idées au fil du texte.
ENTRAINEZ-VOUS !
Vous pouvez relire dix fois l’œuvre suivie et les explications de textes réalisées en classe mais le meilleur moyen de se préparer à l’épreuve reste la pratique. Demandez à une personne sérieuse de sélectionner un passage au hasard. Chronométrez-vous. Prenez 20 minutes pour préparer votre explication orale puis passez devant un jury pendant 20 minutes.
Sujets du bac 2013 séries technologiques
Sujet 1: Être libre, est-ce n’obéir à aucune loi ?
(trop facile…)
Sujet 2: La diversité des cultures sépare-t-elle les hommes ?
Sujet 3: Texte de DESCARTES extrait des Regulae
Les corrigés en ligne:
http://www.epicureweb.fr/?p=29536
Aristote: A quelle condition un échange est-il possible ?
Prenons, par exemple, un architecte A, un cordonnier B, une maison C, une chaussure D. Il faut que l’architecte reçoive du cordonnier le travail de celui-ci, et qu’il lui donne en échange le sien […] Toutefois, il est indispensable auparavant de rendre [leurs travaux] égaux. Aussi faut-il que toutes choses soient en quelque façon comparables, quand on veut les échanger. C’est pourquoi on a recours à la monnaie, qui est, pour ainsi dire un intermédiaire. Elle mesure tout, la valeur supérieure d’un objet et la valeur inférieure d’un autre, par exemple combien il faut de chaussures pour équivaloir à une maison ou à l’alimentation d’une personne, faute de quoi, il n’y aura ni échange, ni communauté de rapports. Ce rapport ne serait pas réalisé, s’il n’existait aucun moyen d’établir l’égalité entre des choses dissemblables. Il est donc nécessaire de se référer pour tout à une mesure commune comme nous l’avons dit plus haut. Et cette mesure, c’est exactement le besoin que nous avons les uns des autres, lequel sauvegarde la vie sociale ; car sans besoin, et sans besoins semblables, il n’y aurait pas d’échanges, ou les échanges seraient différents. La monnaie est devenue, en vertu d’une convention, pour ainsi dire, un moyen d’échange pour ce qui nous fait défaut. C’est pourquoi on lui a donné le nom de nomisma parce qu’elle est d’institution, non pas naturelle, mais légale (nomos : loi), et qu’il est en notre pouvoir, soit de la changer, soit de décréter qu’elle ne servira plus.
ARISTOTE, Ethique à Nicomaque, trad. R. Bodéïs, GF
Les échanges favorisent-ils la paix?
Sujet tombé au bac en juin 2007.
Introduction
Sans échange il n’y aurait pas de communauté humaine. Pour échanger, il faut d’abord se mettre d’accord sur la valeur de ce qui est échangé et sur les modalités de l’échange : la paix semble nécessaire et antérieure à tout échange. Cependant, pour pérenniser ces échanges, il faut maintenir une stabilité entre les partenaires. L’échange semble exclure les conflits. Mais, on le sait, le développement, l’expansion des échanges amène les partenaires à entrer dans une logique de concurrence peu propice au partage et à la moralité. Les entreprises se livrent de véritables batailles pour emporter les marchés. Alors, si la paix est synonyme de concorde, d’entente cordiale, ne doit-on pas concevoir que les échanges, loin de favoriser la paix, sont sources de conflits potentiels ?
Descartes : Le bon sens est la chose du monde la mieux partagée
Le bon sens est la chose du monde la mieux partagée : car chacun pense en être si bien pourvu que ceux même qui sont les plus difficiles à contenter en toute autre chose n’ont point coutume d’en désirer plus qu’ils en ont. En quoi il n’est pas invraisemblable que tous se trompent ; mais plutôt cela témoigne que la puissance de bien juger, et distinguer le vrai d’avec le faux, qui est proprement ce qu’on nomme le bon sens ou la raison, est naturellement égale en tous les hommes ; et ainsi que la diversité de nos opinions ne vient pas de ce que les uns sont plus raisonnables que les autres, mais seulement de ce que nous conduisons nos pensées par diverses voies, et ne considérons pas les mêmes choses. Car ce n’est pas assez d’avoir l’esprit bon, mais le principal est de l’appliquer bien. Les plus grandes âmes sont capables des plus grands vices, aussi bien que des plus grandes vertus ; et ceux qui ne marchent que fort lentement, peuvent avancer beaucoup davantage, s’ils suivent toujours le droit chemin, que ne font ceux qui courent, et qui s’en éloignent.
Pour moi, je n’ai jamais présumé que mon esprit fût en rien plus parfait que ceux du commun ; même j’ai souvent souhaité d’avoir la pensée aussi prompte, ou l’imagination aussi nette et distincte, ou la mémoire aussi ample, ou aussi présente, que quelques autres. Et je ne sache point de qualités que celles-ci, qui servent à al perfection de l’esprit : car pour la raison, ou le sens, d’autant qu’elle est la seule chose qui nous rend hommes, et nous distingue des bêtes, je veux croire qu’elle est tout entière en un chacun […].
René DESCARTES, Discours de la méthode, 1ère partie
Résumé pour vos fiches de révision :
Dans l’incipit du Discours de la Méthode, Descartes déclare que « Le bon sens est la chose du monde la mieux partagée ». Il suppose donc que tous les humains sont également pourvus de raison. Tout le monde peut raisonner.
Mais comment expliquer les inégalités d’intelligence ? Descartes suppose que nous sommes tous pourvus de raison alors que, dans les faits, on constate que certains raisonnements sont plus justes que d’autres, que certaines personnes sont plus efficaces que d’autres.
Il ne s’agit pas d’un problème d’intelligence mais de méthode. Ceux qui trompent suivent une mauvaise méthode. Pour Descartes, il faut suivre une méthode scientifique (rigoureuse) pour atteindre la vérité : le philosophe opère la comparaison entre deux penseurs et deux coureurs. Qui sera le premier arrivé ? Celui qui court rapidement mais qui s’éloigne de l’objectif ou celui qui avance lentement et sûrement ?
Et c’est tout le sujet du livre intitulé Discours de la méthode : Descartes expose à son lecteur (doté d’une raison comme lui) la méthode à utiliser pour s’approcher de la vérité.
Spinoza: Les peurs gouvernent-elles nos croyances ? (2)
Si les hommes avaient le pouvoir d’organiser les circonstances de leur vie au gré de leurs intentions, ou si le hasard leur était toujours favorable, ils ne seraient pas en proie à la superstition. Mais on les voit souvent acculés à une situation si difficile, qu’ils ne savent plus quelle résolution prendre ; en outre, comme leur désir immodéré des faveurs capricieuses du sort les ballote misérablement entre l’espoir et la crainte, ils sont en général très enclins à la crédulité […] Si, par exemple, pendant que la frayeur les domine, un incident quelconque leur rappelle un bon ou un mauvais souvenir, ils y voient le signe d’une issue heureuse ou malheureuse ; pour cette raison et bien que l’expérience leur en ait donné cent fois le démenti, ils parlent d’un présage soit heureux, soit funeste. Enfin, si un spectacle insolite les frappe d’étonnement, ils croient être témoins d’un prodige manifestant la colère ou des Dieux, ou de la souveraine Déité ; dès lors, à leurs yeux d’hommes superstitieux et irréligieux, ils seraient perdus s’ils ne conjuraient leur destin par des sacrifices et des vœux solennels. Ayant forgé ainsi d’innombrables fictions, ils interprètent la nature en termes extravagants, comme si elle délirait avec eux.
Baruch Spinoza, Traité théologico-politique, 1670, trad. C. Appuhn, Flammarion
En philosophie, on distingue généralement « religion » et « superstition ». Les deux sont des croyances mais la première s’estime supérieure (vérité dite « révélée », code moral et communauté de croyants).
Le texte de Spinoza occupe une position particulière et l’élève de terminale doit bien comprendre l’originalité du philosophe. Il critique la superstition et va même jusqu’à soupçonner la religion de comporter une part de superstition. Pourtant, Spinoza fait partie des philosophes croyants (contrairement à un philosophe comme Marx qui compare la religion à « l’opium du peuple »).
Détail de l’argumentation
Dans cet extrait, Spinoza démonte les mécanismes de la superstition. Sachant qu’il s’agit de croyance irrationnelle, on peut se demander pourquoi les humains y adhèrent.
Spinoza identifie d’abord les situations dans lesquelles nous sommes tentés par la superstition : quand nous sommes dans l’incertitude. En effet, quand je contrôle une action (par exemple : nouer mes lacets, réaliser une addition, écrire mon nom) je n’ai pas besoin de recourir à un quelconque acte magique. En revanche, dans les situations à l’issue incertaine (rencontre sportive, histoire d’amour, examen scolaire) les humains sont tentés par la superstition. Les élèves qui se disent « au cas où… » sont motivés par ce que Spinoza appelle « l’espoir ». Mais le philosophe insiste davantage sur l’autre sentiment : « la crainte ». C’est la peur de l’avenir incertain qui motive les superstitions.
Le texte de Spinoza critique d’abord la superstition des peuples païens et la pratique de la divination. Par exemple, à Rome, les aruspices et les augures (qui ont donné l’expression « de mauvais augure » en français) étaient des professionnels chargés de prédire à l’avenir.
Spinoza écrit son texte au XVIIe siècle, mais vous pouvez rappeler dans votre copie que les superstitions existent toujours à notre époque (horoscope, chat noir, miroir, etc.)
Spinoza explique également comment se forment les superstitions. D’après lui, le superstitieux aurait créé une association abusive entre un souvenir et un sentiment heureux ou malheureux (par exemple, la première fois qu’une chouette est passée devant lui, il a gagné quelque chose, par conséquent il croit que le passage d’une chouette sera toujours un signe positif). « Même si l’expérience leur en a donné cent fois le démenti » : quand le superstitieux a forgé une croyance (par exemple : un chat noir porte malheur), il continue d’y croire même si la vie leur offre plusieurs contre-exemples (un chat noir sans malheur).
Les présages (signes censés donner une indication sur l’avenir) peuvent être ordinaires (chat, sel) ou exceptionnels (foudre, comète). Ces derniers frappent davantage l’imagination. Spinoza accuse les païens (les adeptes des polythéismes de l’Antiquité) d’être victimes de superstitions. Mais il accuse sa propre religion de comporter une part de superstition (les Prophètes de l’Ancien testament auraient peut-être mal interprété certains phénomènes, croyant lire les intentions de Dieu, « la souveraine Déité » dans le texte).
Spinoza ne dit pas qu’il est impossible de prédire l’avenir. Le scientifique peut prévoir certaines choses : les relations causes-conséquences. Il existe des lois scientifiques dans la nature mais la superstition fait « délirer » la nature au sens où elle enfreindrait ses propres lois.
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