Dick, Rendez-vous hier matin, Août 1966 0
Titre original: « Your Appointment will be Yesterday »
On ne présente plus Dick, le grand ponte de la SF maintes fois adaptés au cinéma. Mais il livre avec cette nouvelle une réflexion originale sur le thème du temps.
Résumé : Rendez-vous hier matin raconte une histoire qui se déroule à l’envers (plus encore que le Memento de Nolan). On dé-écrit les livres en les effaçant petit à petit. Mais si on continue de remonter le temps, on va revenir au moment où on a conçu la machine, qui permettait ce jeu temporel, et la déconstruire, ce qui permettra un nouveau renversement temporel.
Com : Cette nouvelle est un classique de la SF qu’il faut avoir lu. On se met les neurones à l’envers et c’est bon. Dick renverse le cours normal du temps et en fait une sorte de tramway qui navigue entre deux points. Il est à noter que Dick n’est pas vraiment l’auteur de cette idée.
Platon, deux mille ans avant, avait proposé un mythe similaire où le temps fonctionnerait au sens inverse pendant dix mille ans. Les vieillards rajeunissent. Puis au bout d’une période, le temps reprendrait son sens normal.
Magie et Sorcellerie, Les Vagabonds du rêve n°3 6
Avec un titre pareil, on pourrait s’attendre à voir défiler des histoires de mages et de sorciers s’affrontant à coups de sortilèges mais ce n’est pas le cas. L’imagination des auteurs nous offre un florilège de situations oniriques divertissantes. La magie est ici polymorphe et imprévisible.
– La magie démo par Julien Dorvennes
On commence par un article sur la magie.
– Ataraxie du néant par Thébaide Thébaine
Dans un monde soumis à une sorte de puritanisme, quelques mages font de la résistance et un jeune arrive au monastère, son potentiel est rapidement détecté.
Commentaire : Trop court ! L’histoire est intéressante et on regrette qu’elle se termine aussi vite.
– La fée de Londres par Philippe Heurtel
De la fantaisy qui verse vite dans la SF. La fée vit dans une petite boule de cristal. Sa propriétaire en chaise roulante est seule. Pour l’aider, la magicienne anime son robot. Une love story étrange et légèrement glauque naît ainsi et…
Com: C’est le genre d’histoire que je n’attendais pas mais qui traite habilement des questions du bonheur et de la « bulle ».
– Souffrir c’est mourir un peu par Jean-Michel Calvez
L’escapade des amoureux est ici prétexte à une histoire terrifiante de sorcière.
– L’Hôte par Malvert
Un peu de fantaisy classique. Kendall est la sentinelle d’un avant-poste déserté depuis des années. Suite à un combat, il héberge un blessé. Au fur et à mesure que son hôte reprend des forces, le héros s’affaiblit. Mais qui est donc cet inconnu ?
Commentaire: L’histoire paraît classique au sens où elle rentre dans les codes. Cela ressemble à du Weird Tales, version Howard, et j’ai beaucoup aimé.
– L’Amant de madame la rectrice par Martine Loncan
Fantaisy light. Drôle. Le recteur est trop absorbé par les problèmes de sa femme et toute l’université s’en trouve perturbée. Les enseignants cherchent des solutions.
C’est doublement drôle pour les clins d’oeil au monde de l’université.
– Pour une poignée de thuns par Eric Boisseau
Les nains de jardin ne sont pas inoffensifs. Ils sont même antipathiques mais heureusement pour nous une antique malédiction les statufient dès qu’ils se trouvent à proximité d’un humain.
L’auteur retourne deux fois le figure du nain et le résultat donne une nouvelle assez amusante.
– Juste retour des choses par Antoine Lencou
Et on termine avec une histoire de voyante. Je ne vais pas dévoiler la fin mais je trouve dommage de terminer l’anthologie par une nouvelle sérieuse et sombre.
L’anthologie compte aussi une nouvelle hors-thème : le sourire de Mona Lisa. Cette dernière est pas mal mais j’ai du mal à comprendre son placement dans l’anthologie.
Chronique: Les numéros 1 de la fantaisy 0
J’avais très envie d’écrire une chronique sur les origines du genre fantasy mais je ne savais pas par quel bout prendre le problème. Plutôt que de me lancer dans une explication universitaire barbante de 878 pages, j’ai préféré sélectionner des textes emblématiques.
Robert E. Howard, Croc et lance , 1925
Howard, c’est le papa de Conan le Barbare, autant dire qu’il a pratiquement fondé le genre heroïc fantasy. Très jeune, il se lance dans l’écriture et tente de vendre des histoires à Weird Tales. Sa toute première nouvelle, publiée en juillet 1925, met en scène un homme préhistorique.
Résumé : Une jeune femme des cavernes observe à la dérobée son amant, l’artiste de la tribu. Mais elle est enlevée par un sauvage homme de Neandertal.
Cette nouvelle est comme un diamant, parfaitement ciselé. Ce n’est pas la meilleure nouvelle d’Howard mais elle est taillée de A à Z et pourrait servir de modèle pour quiconque veut apprendre à écrire. Limpide et prenante à la fois.
Howard était un sacré travailleur. On lui doit 400 nouvelles dans des styles variés (boxe, western, fantaisy…).
Tolkien, Ainhulindalë
J’imagine qu’après l’adaptation au cinéma de la trilogie du Seigneur des anneaux et plus récemment celle du Hobbit, personne n’ignore qui est Tolkien. Si ? Tolkien était un professeur de linguistique qui, pour passer le temps, inventa des langues disparues (comme l’elfique) et dans la foulée construisit un univers pour que des gens puissent parler ces langues.
Les romans de Tolkien comportent de nombreux passages qui traitent du passé des peuples ou du monde. Etant donné que la compagnie de l’anneau débute à la fin du troisième âge, on se demande ce qui s’est passé avant. Avant les anneaux et toute la quincaillerie ?
Ainhulindalë est un texte court, beaucoup moins connu, qui retourne aux sources et raconte la genèse de l’univers. Ici pas de combat, pas de gouffre de Helm, pas d’elfe.
Résumé : Les dieux se rassemblent et entament un morceau de musique pour dessiner le monde et ce qu’il deviendra. Morgoth (le dieu méchant) en profite pour faire entendre sa voix discordante et de là viendra le chaos dans le monde.
C’est original ! Ici la création de l’univers passe par la musique. Contrairement à beaucoup d’auteurs, Tolkien n’est pas allé puiser son inspiration dans des mythologies déjà existantes. Il a choisi de générer son monde d’une manière intéressante.
Un texte incontournable pour tous les fans de Tolkien.
Moorcock : Sojan
Avant Elric le nécromancien, il y avait Sojan. Sojan the swordman. Sojan le mercenaire. Le héros du jeune Moorcock, âgé d’à peine quinze ans !
Quand on connait le niveau de français moyen d’un élève de quinze ans, on rêve d’avoir plus de Moorcock. L’histoire de Sojan est basique. Un héros costaud, avec des armes, cherche l’aventure. Comme dit l’expression populaire, l’histoire « ne casse pas trois pattes à un canard » mais on lit déjà les bases du style de Moorcock. La simplicité n’est pas un défaut. L’auteur s’est beaucoup inspiré de Burroughs (le papa de Tarzan) et reproduit son style.
Moorcock quitta l’Angleterre pour la France et y fit ses premières armes. Il écrivait des textes et des livres pour gagner de quoi survivre. Il publia le cycle du Guerrier de mars et bien vite les premières aventures d’Elric.
Moorcock, le songe du comte Aubec
Plutôt que de vous parler de La Cité qui rêve, la fameuse nouvelle qui a lancé le sorcier-barbare-albinos le plus célèbre de la Sword and Sorcery, je vais revenir sur une autre nouvelle de Moorcock écrite bien après : le songe du comte Aubec.
Comme pour Tolkien, Moorcock remonte aux sources et explique la création de son univers, ou du moins d’un bout de l’univers. Avant la Chine et l’Inde, plusieurs civilisations se succédèrent et bien avant encore Melniboné régna sur le monde. Et avant ?
On suit le comte Aubec dans une aventure aux confins du monde. Il doit affronter une sorcière qui vit au bord du chaos pour s’emparer de son château, dernier point du monde connu à conquérir. La nouvelle suit le déroulement d’un Donjon et dragon pour un aventurier de niveau 5 à 10. Le héros affronte quelques monstres, des illusions et un golem.
La sorcière propose alors au comte bien plus que son château : de nouvelles terres. Car le Chaos bouillonnant qu’on aperçoit depuis la fenêtre pourrait se transformer et donner de nouveaux pays, de nouvelles civilisations.
Précisons rapidement que l’univers de Moorcock ne se définit pas par l’affrontement du bien et du mal mais par l’opposition de la Loi et du Chaos, ce dernier étant plus considéré comme une force créative.
Aubec accepte le marché et la nouvelle le quitte au moment où il s’engage sur ce nouveau continent inconnu. D’après le narrateur, les nouveaux pays apparus possèdent déjà leur civilisation et leurs souvenirs. Et c’est extraordinaire ! Moorcock crée du passé à rebours, à la manière d’un écrivain, mais ici comme un démiurge. L’Histoire se n’écrit pas de manière linéaire, à la manière d’une flèche (ou à la manière d’un cercle), mais comme une double flèche. Plus les héros avancent dans le temps, dans l’aventure, et le plus le passé s’écrit derrière eux.
Peter V Brett, L’or de Bryan, 2011 0
Quand on a lu et adoré le premier volume de Peter, l’Homme-Rune, on en veut plus.
Résumé : Arlen part dans les montagnes du nord pour trouver une arme susceptible de combattre les chtoniens. Au programme : de la neige et des monstres de neige.
Commentaire : On retrouve avec plaisir le héros Arlen dans une histoire courte intéressante. On découvre un nouveau type d’ennemi et l’auteur en profite pour développer un peu cette partie de son univers.
Petite nouvelle sans prétention qui fait plaisir. J’aime beaucoup la saga de Peter V Brett (et pas seulement parce que son roman portait mon pseudo). Le style est dynamique. On ne s’ennuie pas. Le personnage d’Arlen est héroïque mais sans prétention.
Mais qu’est-ce qu’on s’embête avec les personnages secondaires ! Je devine que la thématique du livre concerne la vie en société et l’action commune. L’auteur traite le sujet avec beaucoup de brio. Arlen est plus « le pavé dans la mare » que « l’homme providentiel » mais on constate un tel écart entre les chapitres consacrés au héros et ceux abandonnés aux seconds couteaux qu’on en vient à se demander si c’est le même auteur qui a tout rédigé. Au moins avec L’or de Bryan l’auteur ne s’embarrasse pas de détails ou de scènes inutiles. Il va directement à l’essentiel et c’est appréciable.
Bragelonne a édité cette nouvelle dans un petit fascicule comportant une deuxième nouvelle et un glossaire des « runes », très utile pour se déguiser dans les conventions.
Les robots sont-ils vraiment nos amis? 0
Anthologie, Les robots sont-ils vraiment nos amis ?, Edition Voy’[el]
Vous êtes plutôt Skynet ou Asimov ? Frankenstein ou R2D2 ? Pessimiste ou optimiste ? Pour ou contre ? L’anthologie est construite autour d’une question simple et classique de la SF : la technologie (en la personne des robots) sera-t-elle bénéfique ou néfaste ?
L’anthologie est fournie aux enseignants avec un fichier d’exploitation à utiliser en classe. J’étais assez curieux de voir le résultat et je suis ravi. Asimov et les « Grands » sont déjà passés par là mais les textes sont de qualité et accessibles à un public jeune. Chaque histoire est accompagnée d’une petite note d’information sur le développement des technologies actuelles (pour rappeler au lecteur ce qui se fait vraiment).
L’ensemble est bon. Les chutes des nouvelles sont cohérentes et surprenantes aussi vais-je éviter de dévoiler des informations qui gâcheraient votre lecture.
– Préface de Corinne Guitteaud
– Zéro de conduite d’Antoine Lencou
Et on commence avec une nouvelle « asimovienne ». C’est très difficile de choisir la première nouvelle d’une anthologie. Tout le poids des responsabilités porte sur le premier. Ici, le pari est réussi. « Zéro de conduite » emmène le lecteur dans son histoire et dans l’anthologie. La nouvelle traite de l’intelligence artificielle d’une voiture. Son jeune conducteur ne veut pas respecter les consignes de sécurité. Il veut s’amuser et on devine rapidement comment l’histoire va se conclure.
– D’un monde à l’autre d’Anne Goudour
L’histoire semble déjà vu : un jeune adolescent mal dans sa peau mais très intelligent. La personnage travaille avec son grand-père sur une invention et se retrouve propulsé dans un monde post-apocalyptique. Ce qui m‘ennuie le plus dans cette nouvelle c’est sa taille : l’histoire est intéressante et pourrait s’étendre sur un roman.
Mon jugement est probablement partial. J’avais déjà développé une idée similaire au « Parti du Bien-Être » dans d’autres nouvelles de SF donc, forcément, j’apprécie le traitement que cette auteure a fait du concept.
– A.N.A.T.O.L.E. d’Anne Rossi
Anatole, c’est le nom du vibot, une sorte de robot domestique acheté par un couple en pleine déliquescence. Le mari se confie à la machine comme si c’était son ami et au final… je ne peux pas révéler la fin.
Cette nouvelle permet une réflexion sur l’humain et l’évolution de la société. On ne se contente pas de la question du robot. La question n’est pas seulement « ami ou ennemi ? » mais « qu’est-ce qu’on en fait ? »
– Substitution de Patrice Verry
Dans un futur où les robots ont remplacé les humains dans la majorité des postes, une professeure donne une leçon d’histoire à une classe mixte humains/robots. On sent encore l’influence d’Asimov avec l’idée du robot apprenant.
Je suis encore partial mais j’ai beaucoup aimé l’idée (déformation professionnelle). Une bonne nouvelle de SF n’a pas besoin de vaisseaux spatiaux et de sabrolasers. Parfois une scène ordinaire du quotidien en dit long.
L’histoire se termine sur une réflexion pertinente : dans la foulée, allons-nous remplacer les professeurs par des robots ?
– Paranoïa aiguë de Lydie Blaizot
N-28 n’est qu’un simple robot de nettoyage mais il a bon fond. Pour assurer la sécurité des humains, on a choisi de brider les robots. Mais que peut faire la machine quand elle réalise que l’hôpital et les humains sont menacés par un être malveillant ?
Je ne dirai rien sur cette nouvelle pour ne pas gâcher le suspense mais de tous les personnages croisés dans l’anthologie j’ai trouvé que N-28 était le plus touchant.
– L’origine des automates de combat de Lilian Bézard
Steampunk ! Contrairement à ce que le titre pourrait laisser entendre on ne débarque pas dans un monde peuplé d’automates de combat. Il s’agit plutôt d’une première guerre mondiale alternative dans laquelle les soldats se battent à l’aide d’armures de combat sophistiquées au lieu d’utiliser des chars blindés. Imaginez les soldats de Warhammer40000, à vapeur.
L’histoire suit un jeune technicien qui gravit les échelons et participe à l’élaboration de la nouvelle génération d’armes. La nouvelle a un petit côté « Robocop1 ».
– Jopi et son Vocan de Gulzar Joby
« Jopi et son Vocan » est mon histoire favorite. Je ne m’attendais pas à découvrir une « guerre des boutons » futuriste et j’étais très sceptique en abordant cette nouvelle mais j’ai été agréablement surpris. L’histoire se lit très bien. L’univers est riche et détaillé. On rencontre des surprises, bref, à lire absolument.
L’auteur tient aussi le blog 36 quai du futur (36quaidufutur.over-blog.com) où il chronique, informe, fait partager sa passion pour les œuvres de l’imaginaire.
– Engrenage Christian Fontan
Jonas doit quitter la cité. Les réserves de nourriture s’amenuisent et on expulse régulièrement des humains. Comment en sommes-nous arrivés là ?
La population humaine se reposait trop sur les robots.
La nouvelle pose la question de notre rapport à la technologie. Devient-elle une aide ? une béquille ? ou une addiction ? Le thème est archi-classique mais bien adapté pour un public jeune.
– Le meilleur ami Nicolas Gramain
On approche de la fin de l’anthologie et les nouvelles originales/décalées font leur apparition. Le vieux Francis vient de perdre son unique ami, son chien. Son fils Nicolas lui propose un robot comme compagnie et finalement le vieil homme se retrouve avec un robot-chien. L’animal est assez sympathique et semble éclipser les autres personnages alors qu’il n’est qu’un outil.
– Celui qui ne savait pas dessiner les androïdes de Jennifer Flajolet-Toubas
Et on finit avec un futur puritain dans lequel les nus sont interdits. La morale bien pensante rejette les corps humains et les artistes doivent se rabattre sur des androïdes. Ceci n’est pas au goût du héros qui décide de visiter le quartier malfamé des prostituées pour trouver un vrai modèle en chair et en os.