Le bonheur est-il une affaire privée ?0

Posted on mai 9th, 2017 in En terminale

Correction (simplifiée) de la dissertation du bac blanc.

Les notes vont de 3 à 19. Moyenne de 8,14.

Remarques méthodologiques de la correctrice :

Mettre les connaissances au service du sujet et non l’inverse.

Tenir compte des petits concepts comme « vie privée » (peu d’enjeu politique).

Traiter la question.

Analyse du sujet : La notion abordée est évidemment le bonheur toutefois les notions de loi, d’Etat et de la liberté peuvent être mobilisées. En effet le sujet parle d’affaire privée. Il suppose donc son antonyme: l’affaire publique qui relèverait soit de la société civile soit de l’Etat qui peut décider par la biais d’une loi concernant la santé publique d’agir sur le bonheur des citoyens (par exemple: le port de la ceinture de sécurité obligatoire).

 

Introduction

(amorce, définitions, problématisation, problématique, annonce)

L’Etat français a décidé d’interdire la consommation de tabac dans les lieux publics au nom de la santé de la publique. Il arrive que le bonheur des citoyens soit une question politique (de polis, la cité, la politique désigne les affaires de la cité et donc les affaires publiques). Pourtant le bonheur, compris comme un état durable de complète satisfaction, semble être une question privée (limitée à la personne ou à ses proches) puisque chaque citoyen a sa définition propre du bonheur et sans doute est-il le mieux placé pour savoir ce qui le rendrait heureux. C’est pourquoi nous en venons à poser la problématique suivante: Le bonheur est-il une affaire privée ou publique ?

 

Plan du développement

  1. Le bonheur semble être une affaire privée.

Argument 1:Définition personnelle. Pour le sens commun, le bonheur est d’abord une affaire privée puisque le citoyen possède sa définition personnelle du bonheur et est le mieux placé pour le poursuivre.

Exemple: Le philosophe Epicure préconisait de classer ses désirs et de se concentrer sur les désirs naturels et nécessaires (manger du pain, boire de l’eau). Il conseillait également de s’occuper d’abord de ses amis et de sa famille pour être heureux. Ainsi son école philosophique s’appelait le « jardin » et ne s’occupait pas de politique.

Argument 2: l’expérience personnelle du sentiment. De plus, c’est le citoyen qui expérimente dans son esprit le sentiment du bonheur. Nulle force extérieure ne peut pénétrer un esprit pour obliger une personne à être heureuse ou malheureuse.

Exemple: Les philosophes stoïciens comme Epictète défendaient l’idée qu’il faut distinguer ce qui dépend de nous de ce qui n’en dépend pas. Or la seule chose qui dépend de nous est notre pensée. Le fait d’être heureux relève de notre pensée personnelle et non d’une action politique.

Transition: L’illusion de vie privée.

Toutefois on pourrait objecter à ces visions individualistes du bonheur que si le sentiment du bonheur est personnel les conditions du bonheur sont, elles, influencées, en bien ou en mal, par autrui. Par exemple: si la cité voisine entre en guerre et réduit en esclavage les citoyens de notre cité, il est difficile de prétendre que les affaires publiques n’ont pas d’impact sur les vies privées.

2) Pourtant le bonheur est parfois traitée comme une affaire publique.

Argument 1: Lois sur la sécurité. La sécurité est la première question publique et une condition nécessaire au bonheur. Historiquement les Etats sont apparus pour gérer des questions de sécurité: intérieure (la police) et extérieure (l’armée). Ainsi on dit que ces domaines (et la justice) sont les domaines « régaliens » (propres à l’état). La sécurité ne peut pas se gérer à l’échelle individuelle et devient une question publique.

Exemple: Suite aux attentats du Bataclan l’Etat français a choisi d’instaurer l’état d’urgence pour renforcer les pouvoirs de la police, au nom de la sécurité des citoyens. Ce n’est pas une affaire privée mais publique.

Argument 2: Lois sur la liberté. Au stade privé, un citoyen risque d’être victime de crimes, voire d’être réduit en esclavage. La loi (en démocratie) est présente pour garantir les libertés de tous les citoyens.

Exemple: La DDHC déclare la liberté d’expression des citoyens. Nul ne sera inquiété pour ses opinions. Si posséder cette liberté concourt au bonheur alors on remarque qu’il s’agit à nouveau d’une question publique.

Argument 3: Lois sur l’égalité. Enfin certaines lois peuvent garantir l’égalité des citoyens. Les démocraties garantissent l’égalité des citoyens devant la loi (au contraire de l’Ancien Régie défini par un système de privilèges).

Ex: Tout citoyen français est soumis au même Code de la route. Chacun doit porter sa ceinture de sécurité.

Transition: Invasion de la vie privée.

Toutefois on peut légitimement s’interroger: en démocratie, le rôle de l’Etat est-il de dire aux citoyens ce qu’ils doivent faire pour rester en bonne santé? Personne ne doute que le tabac ou la conduite en état d’ivresse sont dangereux mais si l’Etat décide à la place des citoyens de ce qu’ils doivent faire dans leur vie privée cela signifie que la liberté de chaque citoyen est en péril.

3) Il devient crucial de distinguer le privé du public pour conserver sa liberté.

Argument 1: Le danger du totalitarisme. L’Histoire a connu des régimes politiques qui, au nom du bien du peuple, ont infligé des sévices à la population.

Exemples : L’URSS de Staline.

La fiction 1984 pousse la logique du communisme plus loin en imaginant un monde o chaque aspect de la vie privée serait filmé et contrôlé par l’Etat.

Argument 2: La loi vise à protéger la santé publique mais sans sacrifier la liberté. Pour le philosophe Tocqueville la démocratie peut devenir un « despote doux » car en laissant les citoyens s’occuper de leurs plaisirs égoïstes et en laissant s’épanouir l’individualisme, l’Etat prend en charge, au nom du bonheur, toutes les questions publiques.

Exemple: L’augmentation du taux d’abstention aux élections dans les démocraties occidentales contemporaines traduit un désintérêt des citoyens pour les questions publiques. Les lois sur la ceinture obligatoire, l’interdiction de fumer dans les lieux publics ou encore l’interdiction des distributeurs dans les collèges sont des exemples de lois réalisées au nom de la santé publique mais c’est l’Etat qui choisit peu à peu de contrôler certains aspects privés de la vie des citoyens.

Argument 3 (logique): Il est illogique que l’Etat décide à la place des citoyens de leur bonheur.

Dans la continuité de l’argument précédent, on peut souligner le risque d’infantilisation des citoyens. Si ces derniers délèguent à un Etat bienveillant toutes les décisions publiques, cela pourrait conduire à un avenir peuplé d’irresponsables consommateurs. Chaque citoyen est adulte et par conséquent capable de réfléchir par lui-même et de prendre ses décisions, contrairement à un enfant qui doit être guidé. De surcroît la définition du bonheur est personnelle et un Etat ne peut imposer sa définition à un individu.

En conclusion, si on attend de l’Etat qu’il assure les conditions du bonheur (liberté, égalité, sécurité) il ne peut se substituer aux citoyens. Chacun d’eux a sa définition personnelle du bonheur et peut agir pour le compléter.

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