Chronique n°45 : Qu’attendent les singes0

Posted on décembre 18th, 2016 in LITTÉRATURE

quattendentlessinges

Qu’attendent les singes est un roman de Yasmina Khadra, un auteur algérien francophone qui a choisi un pseudo féminin.

Je dévore généralement les romans de cet écrivain qui maîtrise la langue française avec une virtuosité peu commune. C’est du Jaworsky accessible.

Pourtant j’ai trouvé ce dernier roman un peu moins bon que a moyenne. Entendons-nous bien, cela reste un roman plaisant. L’intrigue policière est bien menée. Les personnages de Nora, Zine et Guerd sont attachants à leur manière. Mais on sent que c’est un livre personnel.

Le livre aborde dix fois la thématique de l’Algérie qui étouffe ses talents, entrave ses artistes et ses intellectuels au lieu de les pousser. J’ai envie de dire au livre : d’accord, j’avais compris les neuf premières fois. C’est comme si j’ouvrais un roman français qui me rappellerait toutes les cinq pages que la France ne soutient pas les créatifs. Sur le fond, je suis complètement d’accord mais la répétition et l’insistance peuvent gêner.

C’est intéressant d’avoir un point de vue algérien sur l’Algérie. L’histoire se déroule à Alger et offre un certain dépaysement. On plonge dans les institutions officielles et officieuses.

On devine entre les lignes que les Algériens en ont assez de ruminer leur passé. L’Algérie n’est plus un département français, une fiction du socialisme ou la victime du terrorisme. Le peuple veut aller de l’avant, malgré les obstacles. Le roman pointe les responsabilités des politiques mais aussi des médias qui passent plus de temps à critiquer et dévaloriser plutôt que de porter les personnalités constructives.

J’en viens à me demander si je rate un enjeu du roman à cause de mon point de vue français. Peut-être est-ce un manifeste qui s’adresse au peuple algérien? Contre des personnalités politiques qui détournent l’argent et bafouent les lois ce sont des algériens ordinaires qui se dressent, à leurs risques et périls, pour se battre. Alors que les dirigeants cherchent à détourner l’attention en accusant « la main de l’étranger », l’intrigue tend à montrer que les choses avancent quand un peuple se prend en main.

Comme je travaille sur des histoires « adaptatives » je me pose souvent la question de savoir si un roman peut s’adapter à un contexte culturel différent. Quelle aurait été ma réaction si j’avais lu un roman écrit par un auteur français dans lequel des policiers français chercheraient à coincer un politicien qui ne cesserait de rejeter la responsabilité des crimes sur l’étranger ?

Qu’attendent les singes pour devenir des hommes ?

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