Galilée: Peut-on concilier un texte sacré et une démonstration scientifique ?0

Posted on novembre 25th, 2012 in En terminale

 Copernic puis Galilée démontrent que c’est la Terre qui tourne autour du Soleil et non l’inverse, comme l’implique un passage célèbre de la Bible. Galilée repousse ici l’accusation d’hérésie.

Je croirai volontiers que l’autorité des lettres sacrées n’eut pas d’autre intention que d’enseigner aux hommes les articles et les propositions qui, nécessaires à leur salut et dépassant toute raison humaine, ne pouvaient être enseignés et rendus croyables sinon par la bouche même de l’Esprit Saint. Mais que Dieu qui nous a doués de sens, de raison et d’intellect ait voulu que nous négligions d’en faire usage, qu’il ait voulu nous donner un autre moyen de connaître ce que nous pouvons atteindre par eux, je ne pense pas qu’il soit nécessaire de le croire, et surtout dans ces sciences dont l’Ecriture ne nous offre que d’infimes parcelles dispersées çà et là, ce qui est justement le cas de l’astronomie, dont il est si peu question dans les livres saints que les planètes ne s’y trouvent même pas nommées. Si les premiers auteurs sacrés avaient eu la pensée d’enseigner au peuple l’ordre et le mouvement des corps célestes, ils n’en auraient pas traité si brièvement, car ce qu’ils en disent n’est rien en comparaison des innombrables, des très hautes, des très admirables vérités que cette science enferme. […]

Etant donc supposé et provisoirement accordé à l’adversaire que les paroles du texte sacré doivent être prises au pied de la lettre, autrement dit que Dieu arrêta le Soleil et prolongea le jour à la prière de Josué[1] afin qu’il pût obtenir la victoire,[…] je dis que ce passage nous montre manifestement la fausseté et l’impossibilité du système du monde aristotélicien et ptoléméen, et s’accorde au contraire fort bien au système de Copernic. […]

            J’ai découvert et irréfutablement démontré que le globe du Soleil tourne sur lui-même, son entière conversion durant à peu près le temps d’un mois lunaire et s’effectuant dans le sens de presque toutes les autres conversions célestes ; et d’autre part, il est très probable et très vraisemblable que le Soleil, principal instrument et ministre de la nature et pour ainsi dire cœur du monde, donne non seulement la lumière, comme il apparaît clairement qu’il la donne, mais aussi le mouvement à toutes les planètes qui tournent autour de lui. Si donc, conformément à l’hypothèse de Copernic, nous attribuons à la Terre la rotation diurne sur elle-même, qui ne voit que pour arrêter tout le système et prolonger ainsi, sans perturber l’ensemble des relations réciproques entre les planètes, le temps de l’illumination diurne, il a suffi que le Soleil fût arrêté, comme le disent expressément les paroles du texte sacré ? Voici donc comment, sans introduire aucune confusion dans les parties de l’univers et sans altérer en rien le sens littéral de l’Ecriture, on peut, en arrêtant le Soleil, prolonger le jour terrestre.

GALILEE, Lettre à Don Benedetto Castelli (21 décembre 1613)



[1] Josué 10, 12-13

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