Monthly Archives: janvier 2012

Spinoza: Les peurs gouvernent-elles nos croyances ?

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Spinoza

Les peurs gouvernent-elles nos croyances ?

 

            Si les hommes avaient le pouvoir d’organiser les circonstances de leur vie au gré de leurs intentions, ou si le hasard leur était toujours favorable, ils ne seraient pas en proie à la superstition. Mais on les voit souvent acculés à une situation si difficile, qu’ils ne savent plus quelle résolution prendre ; en outre, comme leur désir immodéré des faveurs capricieuses du sort les ballote misérablement entre l’espoir et la crainte, ils sont en général très enclins à la crédulité […] Si, par exemple, pendant que la frayeur les domine, un incident quelconque leur rappelle un bon ou un mauvais souvenir, ils y voient le signe d’une issue heureuse ou malheureuse ; pour cette raison et bien que l’expérience leur en ait donné cent fois le démenti, ils parlent d’un présage soit heureux, soit funeste. Enfin, si un spectacle insolite les frappe d’étonnement, ils croient être témoins d’un prodige manifestant la colère ou des Dieux, ou de la souveraine Déité ; dès lors, à leurs yeux d’hommes superstitieux et irréligieux, ils seraient perdus s’ils ne conjuraient leur destin par des sacrifices et des vœux solennels. Ayant forgé ainsi d’innombrables fictions, ils interprètent la nature en termes extravagants, comme si elle délirait avec eux.

 

Baruch Spinoza, Traité théologico-politique, 1670, trad. C. Appuhn, Flammarion

Rousseau: la foi religieuse exclut-elle tout recours à la raison ?

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Rousseau

La foi religieuse exclut-elle tout recours à la raison ?

 

 

            Les plus grandes idées de la Divinité nous viennent par la raison seule. Voyez le spectacle de la nature, écoutez la voix intérieure. Dieu n’a-t-il pas tout dit à nos yeux, à notre conscience, à notre jugement ? Qu’est-ce que les hommes nous diront de plus ?  Leurs révélations ne font que dégrader Dieu, en lui donnant les passions humaines. Loin d’éclaircir les notions du grand Etre, je vois que les dogmes particuliers les embrouillent ; que loin de les ennoblir, ils les avilissent ; qu’aux mystères inconcevables qui l’environnent ils ajoutent des contradictions absurdes ; qu’ils rendent l’homme orgueilleux, intolérant, cruel ; qu’au lieu d’établir la paix sur la terre, ils y portent le fer et le feu. Je me demande à quoi bon tout cela sans savoir me répondre. Je n’y vois que les crimes des hommes et les misères du genre humain.

            On me dit qu’il fallait une révélation pour apprendre aux hommes la manière dont Dieu voulait être servi ; on assigne en preuve la diversité des cultes bizarres qu’ils ont institué, et l’on ne voit pas que cette diversité même vient de la fantaisie des révélations. Dès que les peuples se sont avisés de faire parler Dieu, chacun l’a fait parler à sa mode et lui a fait dire ce qu’il a voulu. Si l’on n’eût écouté que ce que Dieu dit au cœur de l’homme, il n’y aurait jamais eu qu’une religion sur la terre.

 

Jean-Jacques Rousseau, Emile, IV, 1762, GF

DM pour le 21/02

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Devoir à la maison des TS1,TS2, TS3

Pour le 21/02/2012 (au plus tard)

Un sujet au choix

 

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Aristote: A quelle condition un échange est-il possible ?

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Aristote

A quelle condition un échange est-il possible ?

 

 

            Prenons, par exemple, un architecte A, un cordonnier B, une maison C, une chaussure D. Il faut que l’architecte reçoive du cordonnier le travail de celui-ci, et qu’il donne en échange le sien […] Toutefois, il est indispensable auparavant de rendre [leurs travaux] égaux. Aussi faut-il que toutes choses soient en quelque façon comparables, quand on veut les échanger. C’est pourquoi on a recours à la monnaie, qui est, pour ainsi dire un intermédiaire. Elle mesure tout, la valeur supérieure d’un objet et la valeur inférieure d’un autre, par exemple combien il faut de chaussures pour équivaloir à une maison ou à l’alimentation d’une personne, faute de quoi, il n’y aura ni échange, ni communauté de rapports. Ce rapport ne serait pas réalisé, s’il n’existait un moyen d’établir l’égalité entre des choses dissemblables. Il est donc nécessaire de se référer pour tout à une mesure commune comme nous l’avons dit plus haut. Et cette mesure, c’est exactement le besoin que nous avons les uns des autres, lequel sauvegarde la vie sociale ; car sans besoin, et sans besoins semblables, il n’y aurait pas d’échanges, ou les échanges seraient différents. La monnaie est devenue, en vertu d’une convention, pour ainsi dire, un moyen d’échange pour ce qui nous fait défaut. C’est pourquoi on lui a donné le nom de nomisma parce qu’elle est d’institution, non pas naturelle, mais légale (nomos : loi), et qu’il est en notre pouvoir, soit de la changer, soit de décréter qu’elle ne servira plus.

 

Aristote, Ethique à Nicomaque, trad. R. Bodéïs, GF

Arendt: L’art est-il désintéressé ?

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Arendt

L’art est-il désintéressé ?

 

 

            Parmi les objets qui donnent à l’artifice humain la stabilité sans laquelle les hommes n’y trouveraient point de patrie, il y en a qui n’ont strictement aucune utilité et qui en outre, parce qu’ils sont uniques, ne sont pas échangeables et défient par conséquent l’égalisation au moyen d’un dénominateur commun tel que l’argent ; si on les met sur le marché on ne peut fixer leurs prix qu’arbitrairement. Bien plus, les rapports que l’on a avec une œuvre d’art ne consistent certainement pas à « s’en servir » ; au contraire, pour trouver sa place convenable dans le monde, l’œuvre d’art doit être soigneusement écartée du contexte des objets d’usage ordinaires. Elle doit être de même écartée des besoins et des exigences de la vie quotidienne, avec laquelle elle a aussi peu de contacts que possible.

 

Hannah Arendt, La condition de l’homme moderne

Leibniz: Les exemples suffisent-ils à établir une vérité universelle?

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Leibniz

Les exemples suffisent-ils à établir une vérité universelle ?

 

 

            Tous les exemples qui confirment une vérité générale, de quelque nombre qu’ils soient, ne suffisent pas pour établir la nécessité universelle de cette même vérité, car il ne suit point que ce qui est arrivé arrivera de même. Par exemple les Grecs et Romains et tous les autres peuples de la terre connue aux anciens ont toujours remarqué qu’avant le décours de 24 heures, le jour se change en nuit, et la nuit en jour. Mais on se serait trompé si l’on avait cru que la même règle s’observe partout ailleurs, puisque depuis on a expérimenté le contraire dans le séjour de Nova Zembla[1]. Et celui-là se tromperait encore qui croirait que, dans nos climats au moins, c’est une vérité nécessaire et éternelle qui durera toujours, puisqu’on doit juger que la terre et le soleil même n’existent pas nécessairement, et qu’il y aura peut-être un temps où ce bel astre ne sera plus, au moins dans la présente forme, ni tout son système. D’où il paraît que les vérités nécessaires, telles qu’on les trouve dans les mathématiques pures et particulièrement dans l’arithmétique et dans la géométrie, doivent avoir des principes dont la preuve ne dépend point des exemples, ni par conséquent du témoignage des sens, quoique sans les sens on ne se serait jamais avisé d’y penser.

 

[1] Groupe d’îles de l’Océan glacial arctique



 

Alain: L’artiste doit-il être d’abord artisan ?

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Alain

L’artiste doit-il être d’abord artisan ?

 

 

Puisqu’il est évident que l’inspiration ne forme rien sans matière, il faut donc toujours à l’artiste, à l’origine des arts, quelque premier objet ou quelque première contrainte de fait, sur quoi il exerce d’abord sa perception, comme l’emplacement et les pierres pour l’architecte, un bloc de marbre pour le sculpteur, un cri pour le musicien, une thèse pour l’orateur, une idée pour l’écrivain, pour tous des coutumes acceptées d’abord. Par quoi se trouve défini l’artiste, tout à fait autrement que d’après la fantaisie. Car tout artiste est percevant et actif, artisan toujours en cela. Plutôt attentif à l’objet qu’à ses propres passions […]. Ainsi la méditation de l’artiste serait plutôt observation que rêverie, et encore mieux observation de ce qu’il a fait comme source et règle de ce qu’il va faire. Bref, la loi suprême de l’invention humaine est que l’on invente qu’en travaillant. Artisan d’abord.

 

Alain, Système des Beaux-arts

La série 24 heures chrono, ou la normalisation par la fiction de l’état d’exception

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Je déconseille fortement aux élèves de citer une série américaine comme exemple dans une dissertation. Vous avez des références (littéraires, philosophiques, historiques) plus sérieuses.

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Peut-on citer les « textes sacrés » dans une dissertation ?

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Peut-on citer les « textes sacrés » dans une dissertation ?

Oui…mais avec prudence.

 

Si vous êtes un expert en culture religieuse

C’est un bon point pour vous. Si vous avez lu intégralement la Torah, le Coran ou la Bible, vous possédez déjà une large culture qui vous permettra d’alimenter vos dissertations avec des références précises.

En revanche, je mets les élèves en garde contre une dérive possible. N’utilisez jamais un argument d’autorité! Ce n’est pas parce que Dieu ou un prophète a écrit ou dit quelque chose que c’est recevable.

Une copie de philosophie n’est pas une copie de théologie. Quand vous rédigez une dissertation, mettez de côté toutes vos opinions personnelles.

 

Exemple d’utilisation

La critique que Jésus fait des pharisiens n’est pas un argument mais constitue en revanche une belle illustration du gouffre entre la moralité d’apparence (la conformité aux moeurs) et la « vraie » moralité intérieure.

Au premier siècle de notre ère, les pharisiens étaient réputés pour être respectueux des lois religieuses pourtant Jésus les décrivait ainsi : « des tombeaux blanchis qui paraissaient beaux à l’extérieur mais qui, à l’intérieur, sont plein d’ossements de morts et de toute sorte de pourriture » Evangile selon St-Matthieu XXIII, 27. Jésus reprochait à certains croyants d’être vertueux en apparence, en obéissant aux lois, mais de n’avoir aucun sentiment sincère.

 

Pour traiter la notion de religion

La notion de « religion » est présente dans les programmes de toutes les séries.

En l’absence de culture religieuse, vous risquez de rencontrer quelques difficultés. Ouvrez quelques ouvrages religieux. On se doute bien que les élèves de terminale n’ont pas le temps de lire intégralement la Bible des catholiques mais vous pouvez sélectionner.

La Torah ne comporte que cinq livres (c’est ce que les chrétiens appellent le PENTATEUQUE, les cinq premiers livres de l’ancien testament).

Ouvrez un Coran et lisez quelques sourates.

Si vous n’avez pas le temps de lire le Nouveau Testament, lisez au moins un évangile, histoire de connaître le personnage de Jésus (l’évangile de Matthieu passe pour être le plus abordable).

Notez bien que les philosophes qui ont combattu la religion avaient tous une bonne culture religieuse à l’origine.

L’Etat doit-il s’occuper de notre bonheur ?

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Dissertation : L’Etat doit-il s’occuper de notre bonheur ?

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