Spinoza: les lois doivent-elles inspirer la crainte ?0

Posted on décembre 22nd, 2011 in En terminale

Extrait

 

Aussi longtemps que les hommes agissent seulement par crainte, ils font ce qui est le plus contre leur volonté, et ne considèrent aucunement l’utilité et la nécessité de leur action, mais n’ont souci que de sauver leur tête et de ne pas s’exposer à subir un supplice. Bien plus, il leur est impossible de ne pas prendre plaisir au mal et au dommage du maître qui a pouvoir sur eux, fût-ce à leur grand détriment, de ne pas lui souhaiter du mal et lui en faire quand ils peuvent. Il n’est rien en outre que les hommes puissent moins souffrir qu’être asservis à leurs semblables et régis par eux. Rien de plus difficile enfin que de ravir aux hommes une liberté, après qu’on la leur a concédée. D’où suit premièrement que toute société doit, s’il est possible, instituer un pouvoir appartenant à la collectivité de façon que tous soient tenus d’obéir à eux-mêmes et non à leurs semblables. […] En second lieu, les lois devront être instituées en tout Etat de façon que les hommes soient contenus moins par la crainte que par l’espoir de quelque bien particulièrement désiré ; de la sorte chacun fera son office avec ardeur. Enfin, puisque l’obéissance consiste en ce qu’on exécute des commandements par soumission à la seule autorité du chef qui commande, on voit qu’elle n’a aucune place dans une société où le pouvoir appartient à tous et où les lois sont établies par le consentement commun.

 

SPINOZA, Traité théologocio-politique, 1670, trad. C. Appuhn, Flammarion

 

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