Category Archives: PHILOSOPHIE

Descartes : « il y a en nous certaines notions primitives »

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Premièrement, je considère qu’il y a en nous certaines notions primitives, qui sont comme des originaux, sur le patron desquels nous formons toutes nos autres connaissances. Et il n’y a que fort peu de telles notions ; car, après les plus générales, de l’être, du nombre, de la durée, etc., qui conviennent à tout ce que nous pouvons concevoir, nous n’avons, pour le corps en particulier, que la notion d’extension, de laquelle suivent celles de la figure et du mouvement ; Continue Reading

Bacon : Union de l’expérience et de l’entendement

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Le Novum Organum de Bacon marque la naissance d’un esprit scientifique – au sens où ce dernier se détache de l’autorité des Anciens et se met authentiquement à l’école de l’expérience. Bacon se méfie aussi bien d’une « pratique » trop hâtive que des spéculations pures : considérant qu’ »on ne triomphe de la nature qu’en lui obéissant », il se prononce en priorité pour une attitude expérimentale déjà méthodique. Continue Reading

Bachelard : l’obstacle de l’expérience première

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Faut-il penser contre les apparences ? Pour Bachelard, l’empirisme est une philosophie paresseuse. En effet, loin de nous instruire, l’expérience commence par nous étourdir. Elle parle d’abord à l’imagination, et non à la raison, et la première vertu de l’esprit scientifique est de savoir résister à ses enseignements. Certes la science est expérimentale, mais l’expérimentation scientifique n’est pas l’expérience spontanée du monde. Elle est toujours informée et critique. Continue Reading

Hume : le scepticisme réfuté par l’expérience de la vie

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Les théories philosophiques peuvent-elles être jugées par l’expérience de la vie ? Hume répond sans ambiguïté : oui. Une philosophie peut bien être profonde et vraie théoriquement, elle n’est qu’une chimère si elle est impraticable. Telle est l’objection qu’il adresse dans ce texte au scepticisme pyrrhonien. Continue Reading

Barnard: les deux sens du mot « expérience »

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Avoir de l’expérience, est-ce la même chose que faire des expériences ? Dans le premier cas, il s’agit simplement de savoir raisonner sur les faits, y compris les faits de tous les jours ; dans le second, il s’agit de se livrer à une recherche pour confirmer une hypothèse. Être un expérimentateur signifie autre chose qu’être expérimenté. Mais, quel que soit son sens, l’expérience reste toujours le point d’appui d’un esprit rationnel. Continue Reading

St-Augustin: le passé et le futur n’existent que dans le présent

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En revanche, ce qui m’apparaît comme une évidence claire, c’est que ni le futur ni le passé ne sont. C’est donc une impropriété de dire : « Il y a trois temps : le passé, le présent et le futur. » Il serait sans doute plus correct de dire : »Il y a trois temps : le présent du passé, le présent du présent, le présent du futur. » En effet, il y a bien dans l’âme ces trois modalités du temps, et je ne les trouve pas ailleurs. Le présent du passé, c’est la mémoire ; le présent du présent, c’est la vision directe ; le présent du futur, c’est l’attente. S’il m’est permis d’user de ces définitions, alors, oui, je le vois, je déclare, il y a trois temps, et ces trois temps sont. Je veux bien que l’on continue à dire : « Il y a trois temps : le passé, le présent, le futur », selon un abus de langage habituel. Soit ! je n’en ai cure, je ne m’y oppose pas ni ne le blâme, pourvu toutefois que l’on comprenne bien ce que l’on dit : ni le futur ni le passé ne sont un présent actuel. De fait, notre langage comporte peu d’expressions propres, pour beaucoup d’impropriétés, mais on voit bien ce que nous voulons dire.

AUGUSTIN, Les Confessions, Livre XI, chapitre 20

St-Augustin: Qu’est-ce donc que le temps ?

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Qu’est-ce donc que le temps ? Si personne ne me le demande, je le sais. Si quelqu’un pose la question et que je veuille l’expliquer, je ne sais plus. Continue Reading

Descartes: Changer ses désirs plutôt que l’ordre du monde

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            Ma troisième maxime était de tâcher toujours plutôt à me vaincre que la fortune, et à changer mes désirs plutôt que l’ordre du monde ; et plus généralement, de m’accoutumer à croire qu’il n’y a rien qui soit entièrement en notre pouvoir que nos pensées, en sorte qu’après que nous avons fait notre mieux, touchant les choses qui nous sont extérieures, tout ce qui manque de nous réussir est, au regard de nous, absolument impossible. Et ceci seul me semblait être suffisant pour m’empêcher de rien désirer à l’avenir que je n’acquisse, et ainsi pour me rendre content. Car notre volonté ne se portant naturellement à désirer que les choses que notre entendement lui représente en quelque façon comme possibles, il est certain que, si nous considérons tous les biens qui sont hors de nous comme également éloignés de notre pouvoir, nous n’aurons pas plus de regret de manquer de ceux qui semblent être dus à notre naissance, lorsque nous en serons privés sans notre faute, que nous avons de ne posséder pas les royaumes de la Chine ou du Mexique ; et que faisant, comme on dit, de nécessité vertu, nous ne désirerons pas davantage d’être sains, étant malades, ou d’être libres, étant en prison, que nous faisons maintenant d’avoir des corps d’une matière aussi peu corruptible que les diamants, ou des ailes pour voler comme les oiseaux.

René DESCARTES, Discours de la méthode, IIIe partie

Platon: le mythe d’Aristophane

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Oui et premièrement, il y avait trois catégories d’êtres humains et non pas deux comme maintenant, à savoir le mâle et la femelle. Mais il en existait encore une troisième, qui participait des deux autres, dont le nom subsiste aujourd’hui, mais qui, elle, a disparu. En ce temps-là en effet, il y avait l’androgyne, un genre distinct qui, pour le nom comme pour la forme, faisait la synthèse des deux autres, le mâle et la femelle. Aujourd’hui, cette catégorie n’existe plus, et il n’en reste qu’un nom tenu pour infamant.

            Deuxièmement, la forme de chaque être humain était celle d’une boule, avec un dos et des flancs arrondis. Chacun avait quatre mains, un nombre de jambes égal à celui des mains, deux visages sur un cou rond avec, au-dessus de ces deux visages en tout point pareils et situés à l’opposé l’un de l’autre, une tête unique pourvue de quatre oreilles. En outre, chacun avait deux sexes et tout le reste à l’avenant, comme on peut se le représenter à partir de ce qui vient d’être dit.

[…] leur vigueur et leur force étaient redoutables, et leur orgueil était immense. Ils s’en prirent aux dieux, et ce que Homère raconte au sujet d’Ephialte et d’Otos, à savoir qu’ils entreprirent l’escalade du ciel dans l’intention de s’en prendre aux dieux, c’est à ces êtres qu’il convient de le rapporter.

C’est alors que Zeus et les autres divinités délibérèrent pour savoir ce qu’il fallait en faire ; et ils étaient bien embarrassés. Ils ne pouvaient en effet ni les faire périr et détruire leur race comme ils l’avaient fait pour les Géants en les foudroyant – car c’eût été la disparition des honneurs et des offrandes qui leur venaient des hommes –, ni supporter plus longtemps leur impudence. Après s’être fatigué à réfléchir, Zeus déclara : « Il me semble, dit-il, que je tiens un moyen pour que, tout à la fois, les êtres humains continuent d’exister et que, devenus plus faibles, ils mettent un terme à leur conduite déplorable. En effet, dit-il, je vais sur-le-champ les couper chacun en deux ; en même temps qu’ils seront plus faibles, ils nous rapporteront davantage, puisque leur nombre sera plus grand. Et ils marcheront en position verticale sur deux jambes […]. »

            Quand il avait coupé un être humain, il demandait à Apollon de lui retourner du côté de la coupure le visage et la moitié du cou, pour que, ayant cette coupure sous les yeux, cet être humain devînt modeste ; il lui demandait aussi de soigner les autres blessures. Apollon retournait le visage et, ramenant de toutes parts la peau sur ce qu’on appelle à présent le ventre, procédant comme on le fait avec les bourses à cordons, il l’attachait fortement au milieu du ventre en ne laissant qu’une cavité, ce que précisément on appelle le « nombril ».

Puis il effaçait la plupart des autres plis en les lissant et il façonnait la poitrine, en utilisant un outil analogue à celui qu’utilisent les cordonniers pour lisser sur la forme les plis du cuir. Il laissa pourtant subsister quelques plis, ceux qui se trouvent dans la région du ventre, c’est-à-dire du nombril, comme un souvenir de ce qui était arrivé dans l’ancien temps.

            Quand donc l’être humain primitif eut été dédoublé par cette coupure, chaque morceau, regrettant sa moitié, tentait de s’unir à nouveau à elle. Et, passant leurs bras autour l’un de l’autre, ils s’enlaçaient mutuellement, parce qu’ils désiraient se confondre en un même être, et ils finissaient par mourir de faim et de l’inaction causée par leur refus de rien faire l’un

sans l’autre. Et, quand il arrivait que l’une des moitiés était morte tandis que l’autre survivait, la moitié qui survivait cherchait une autre moitié, et elle s’enlaçait à elle, qu’elle rencontrât la moitié d’une femme entière, ladite moitié étant bien sûr ce que maintenant nous appelons une « femme », ou qu’elle trouvât la moitié d’un « homme ». Ainsi l’espèce s’éteignait.

            Mais, pris de pitié, Zeus s’avise d’un autre expédient : il transporte les organes sexuels sur le devant du corps de ces êtres humains. Jusqu’alors en effet, ils avaient ces organes eux aussi sur la face extérieure de leur corps ; aussi ce n’est pas en s’unissant les uns les autres, qu’ils engendraient et se reproduisaient mais, à la façon des cigales en surgissant de la terre. Il transporta donc leurs organes sexuels à la place où nous les voyons, sur le devant, et ce faisant il rendit possible un engendrement mutuel, l’organe mâle pouvant pénétrer dans l’organe femelle. Le but de Zeus était le suivant. Si, dans l’accouplement, un homme rencontrait une femme, il y aurait génération et l’espèce se perpétuerait ; en revanche, si un homme tombait sur un homme, les deux êtres trouveraient de toute façon la satiété dans leur rapport, ils se calmeraient, ils se tourneraient vers l’action et ils se préoccuperaient d’autre chose dans l’existence.

            C’est donc d’une époque aussi lointaine que date l’implantation dans les êtres humains de cet amour, celui qui rassemble les parties de notre antique nature, celui qui de deux êtres tente de n’en faire qu’un seul pour ainsi guérir la nature humaine.

Platon, Le Banquet, 189d-191d : le mythe d’Aristophane

Schopenhauer: L’impossible satisfaction des désirs

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            Entre les désirs et leurs réalisations s’écoule toute la vie humaine. Le désir, de sa nature, est souffrance ; la satisfaction engendre bien vite la satiété ; le but était illusoire ; la possession lui enlève son attrait ; le désir renaît sous une forme nouvelle, et avec lui le besoin ; sinon, c’est le dégoût, le vide, l’ennui, ennemis plus rudes encore que le besoin. ― Quand le désir et la satisfaction se suivent à des intervalles qui ne sont ni trop longs, ni trop courts, la souffrance, résultat commun de l’un et de l’autre, descend à son minimum ; et c’est là la plus heureuse vie. Car il est bien d’autres moments, qu’on nommerait les plus beaux de la vie, des joies qu’on appellerait les plus pures ; mais elles nous enlèvent au monde réel et nous transforment en spectateurs désintéressés de ce monde ; c’est la connaissance pure, pure de tout vouloir, la jouissance du beau, le vrai plaisir artistique ; encore ces joies, pour être senties, demandent-elles des aptitudes bien rares ; elles sont donc permises à bien peu, et, pour ceux-là même, elles sont comme un rêve qui passe ; au reste, ils les doivent, ces joies, à une intelligence supérieure, qui les rend accessibles à bien des douleurs inconnues du vulgaire plus grossier, et fait d’eux, en somme, des solitaires au milieu d’une foule toute différente d’eux ; ainsi se rétablit l’équilibre. Quant à la grande majorité des hommes, les joies de la pure intelligence leur sont interdites, le plaisir de la connaissance désintéressée les dépasse ; ils sont réduits au simple vouloir.

Arthur SCHOPENHAUER, Le Monde comme volonté et comme représentation, livre IV, §57

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