Thomas d’Aquin: « L’intellect possible » indépendant du corps0
Le spiritualisme chrétien affirme l’indépendance de l’âme relativement au corps. Thomas d’Aquin souligne que ce qui dépend du corps ne peut saisir l’universel : il faut en conséquence que l’activité proprement intellectuelle soit étrangère au corps.
Tout être qui se meut lui-même implique à la fois moteur et mouvement. Comme les autres animaux, l’homme se meut lui-même. Mais en l’homme le premier moteur est l’intelligence qui, par son propre objet, met en mouvement la volonté. L’intellect passif[1]à lui seul ne peut jouer ce rôle, parce qu’il n’atteint que des données
particulières. L’acte de volonté implique un jugement universel qui relève de l’intellect possible[1], et un jugement particulier qui peut relever de l’intellect passif. L’intellect possible est donc ce qu’il y a en l’homme de plus noble et de plus formel, et c’est par lui, plus que par l’intellect passif, que la nature humaine est spécifiée.
Et la preuve que l’intellect possible n’est pas l’acte du corps, c’est qu’il connaît toutes les formes sensibles dans ce qu’elles ont d’universel. Une fonction dont l’opération peut saisir ce qu’il y a d’universel dans le sensible ne saurait être l’acte d’un corps. Il en est ainsi de la volonté : tout objet de l’intelligence peut être aussi objet de volonté, ne serait-ce que de la volonté de connaître. L’universel est ainsi impliqué dans l’acte de la volonté. Comme dit Aristote dans sa Rhétorique : « Nous haïssons dans leur nature universelle les brigands, lorsque nous nous irritons contre tel ou tel brigand. » Par suite, la volonté elle-même ne saurait être l’acte d’une partie du corps, ni dépendre d’une puissance qui serait l’acte d’un corps. Tout dans l’âme dépend directement du corps, excepté l’activité intellectuelle proprement dite.
St-Thomas, Somme contre les Gentils, II, chap 60
[1] Intellect possible : principe de l’ »acte de comprendre et de raisonner », qui n’appartient qu’à l’homme.
[1] Intellect passif : puissance cognitive qui dépend du corps et du sensible, et que l’homme partage avec l’animal.
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