Doit-on aligner le droit sur le fait ?0
Ce sujet s’appuie sur la distinction philosophique « en droit/en fait ».
« En droit » désigne ce qui devrait être fait du point de vue de la loi.
« En fait » désigne ce qui est, en réalité.
Toute société est bâtie sur des lois mais constate un décalage entre ce qui est demandé et ce qui est suivi. Par exemple la majorité des sociétés ont clairement interdit le meurtre et pourtant il arrive que des individus enfreignent cette loi. On pourrait parler d’un décalage entre la théorie et la pratique mais il ne faut pas oublier que le sujet traite expressément de la loi.
Pourquoi oui ?
- L’Etat ferait des économies en alignant les lois sur la réalité de terrain (argument pragmatique). Il ne sert à rien de dépenser de l’argent à vouloir faire respecter une loi que personne ne respecte. Par exemple : l’interdiction du téléchargement en ligne est régulièrement et massivement bafoué.
- L’Etat devrait faire évoluer ses lois pour accompagner les évolutions sociales et sociétales. Exemple : la place des femmes dans les sociétés occidentales contemporaines a évolué au cours des précédentes décennies par conséquent la loi a évolué pour leur donner les mêmes droits qu’aux hommes.
- Par sécurité, il est périlleux de laisser sans surveillance une pratique dangereuse. Par exemple l’IVG, couramment pratiqué et autorisé à partir de 1975 en France. Le même argument s’emploie pour les salles de shoot.
- Au nom de la liberté ou de l’égalité, la loi peut accompagner certaines pratiques. Par exemple, la France autorise le mariage pour tous en 2013.
Pourquoi non ?
- Les lois n’ont pas à suivre l’évolution de la société. Certaines lois sont en place depuis des générations et fonctionnent très bien (argument de la coutume). Exemple : Les droits des femmes ne sont pas appliqués dans tous les pays.
- Ce n’est parce qu’on autorise un délit qu’il devient moins nocif. Exemple : Après avoir autorisé la consommation de cannabis la Hollande envisage de revenir en arrière. En outre les médecins signalent les effets négatifs de la drogue sur les cerveaux des mineurs, que cette drogue soit légale ou pas.
- La loi est exemplaire. On ne peut abandonner une loi au motif qu’elle n’est jamais pleinement respectée car elle incarne en plus d’un interdit une valeur fondamentale de la société. Exemple : l’interdiction de l’homicide n’est jamais complètement respectée mais elle rappelle sans équivoque la valeur de la vie humaine.
Comment dépasser le paradoxe ?
Il ressort de ce débat que la question essentielle n’est pas de savoir s’il faut aligner le droit sur le fait mais plutôt « quand ». Si cette évolution paraît légitime dans certains cas de figure c’est au nom de valeurs comme la liberté ou l’égalité. Par conséquent cette problématique nous amène à interroger les valeurs qui guident les législateurs.
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