L’illusion de la chance: les sujets du bac 20140

Posted on juin 16th, 2014 in En terminale

Ce court édito va probablement vous sembler très machiavélien dans sa conception de la « fortune » mais le sujet s’y prête on ne peut mieux.

On m’a souvent dit cette année que j’étais extrêmement chanceux, suite aux nombreux concours remportés, et visiblement cette chance déteint sur mes proches et sur mes élèves. Je viens de voir passer les sujets du bac de philosophie de cette année:

Série S :
– « L’artiste est-il maître de son œuvre ? »

Trop facile. « Art » au bac blanc. Chaque élève avait une liste personnelle de dix oeuvres.
– « Vivons-nous pour être heureux ? »

Trop facile. Les élèves connaissent leur oeuvre suivie, La lettre à Ménécée, par coeur.
Le commentaire de texte porte sur un extrait de Règles pour la direction de l’esprit, de Descartes.

Les élèves ont vu DM, MM et la correspondance. Reste à appliquer les 4 principes :)

Série ES :
– « Suffit-il d’avoir le choix pour être libre ? »

Trop facile. Vu et revu en bac blanc. Je peux déjà deviner le plan de la majorité des élèves étant donné les textes vus.
– « Pourquoi chercher à se connaître soi-même ? »

Trop facile. On a commencé la première heure de cours sur « qui suis-je? ».
Le commentaire de texte porte sur un extrait de Condition de l’homme moderne d’Hannah Arendt.

J’ai pas encore vu l’extrait mais avec notre entraînement à l’explication de texte, ce sera une formalité.

 

Pour un observateur naïf, les élèves ont eu une incroyable chance cette année. Personnellement, j’ai l’habitude que mes élèves tombent sur un sujet vu en classe chaque année mais 2014 bat tous les records. En apparence, il suffit de ressortir le cours et les textes que les élèves ont fiché depuis belle lurette.

Ceci n’est qu’une illusion trompeuse. En réalité, c’est extrêmement facile parce que les élèves ont beaucoup travaillé en amont. Certes, le sujet sur l’art sera facile puisque j’ai insisté pour que chaque élève de S se constitue une liste personnelle de dix oeuvres. Le sujet sur la liberté est une piste de ski balisée parce que chaque étudiant a déjà lu, analysé et fiché les textes de Descartes, Spinoza, Malebranche, Rousseau, Kant et qu’on a eu l’occasion de creuser le problème du déterminisme avec les sciences humaines. La maîtrise de la problématisation et des concepts ne résulte pas d’un coup de chance mais d’une préparation régulière et sérieuse. J’ai eu l’occasion de constater en posant un contrôle surprise que les S avaient appris quasiment tous leurs cours. Ils ont logiquement démarré leur bac sur les chapeaux de roues.

Machiavel comparait la fortune (la chance) à un fleuve. Elle est imprévisible et peut tout emporter. Néanmoins les humains qui se sont préparés en construisant des digues réagissent mieux aux crues que ceux qui abandonnent l’idée d’action.

 

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