Jean-Philippe Jaworski, Janua Vera, Les moutons électriques, 2007, réédition Folio SF0
Pour paraphraser un ami, « quand on lit Jaworski, on apprend du vocabulaire ». L’auteur français nous offre ici un univers médiéval renaissant riche en couleurs. Chaque nouvelle suit un personnage.
– Janua vera
Le roi-Dieu fait un cauchemar toutes les nuits. Mais qui peut-on consulter quand on est un dieu ?
Le concept rappelait autant le pharaon que l’Empereur-Dieu des Warhammer40 mais Jaworski offre une première nouvelle intéresse qui pose rapidement les bases de l’univers.
– Mauvaise donne
Buenvenuto est un tueur à gages. Pitié ! me suis-je dit. Histoire vue et revue, usée jusqu’à la corde. On va nous infliger un millième Bangkok dangerous ? Heureusement non. L’histoire suinte de machiavélisme et c’est bon.
Le tueur à gages est doublé et doit rapidement retrouver son commanditaire s’il espère survivre.
– Le service des dames
Un chevalier, un écuyer et un page souhaitent traverser une rivière mais la coutume locale l’interdit. Entre Kaamelott et le roman de Lancelot, les références aux romans arthuriens pullulent dans cette nouvelle mais en offrant toujours le même souci du détail historique et du mot juste.
Très bien !
– Une offrande très précieuse
L’armée de brigands tombe dans une embuscade et se fait décimer. Le soudard Cecht en réchappe et traîne un collègue mourrant dans la forêt. Au plus noir de la nuit, il rencontre une guérisseuse/sorcière capable de soigner son ami s’il lui rapporte une « offrande ».
Commentaire : Je ne souhaite pas dévoiler les détails de la nouvelle mais on est touché parce qu’elle est finalement la plus subtile de toutes. On devine les sentiments qui percent derrière ce personnage qu’on présente comme le plus épais et le moins humain de tous.
– Le conte de Suzelle
L’histoire d’une petite paysanne espiègle et gaffeuse qui se retrouve un jour confronté à un fantôme qui bouleverse sa vie.
– Jour de guigne
Jaworski enchaîne avec une histoire comique (démontrant qu’il maîtrise tous les styles). Alors qu’un mystérieux assassin hante les rues, on suit les mésaventures d’un assistant scribe victime d’une malédiction et d’une pléthore d’accidents cocasses.
Au début, je craignais la farce facile mais l’auteur maintient son lecteur en haleine avec moult rebondissements.
– Un amour dévorant
D’après moi, la meilleure nouvelle du recueil (et pourtant le reste est déjà excellent). Après nous avoir offert les histoires de politique, de combat, de magie et même d’humour, Jaworski conclut par une enquête. L’histoire traite de la malédiction d’un petit village. La nuit deux âmes en peine courent entre les arbres en appelant le nom d’une femme et malheur à qui croise leur chemin.
Je ne sais pas si Peter V Brett connaissait cette nouvelle quand il a rédigé son brillant Homme-rune mais on retrouve des échos avec ces villageois qui évitent soigneusement de sortir la nuit et qui fuient également nuages et brumes.
La nouvelle de Jaworski suit l’enquête d’un gyravogue, c’est-à-dire un prêtre du Désséché (le dieu de l’hiver), qui tente de retrouver l’origine des fantômes pour les exorciser.
Commentaire : J’ai adoré d’un bout à l’autre, jusqu’à la révélation de la dernière page.
– Le confident
Jaworski achève son recueil par une courte nouvelle sur un autre prêtre du Désséché. L’histoire est très sombre (notamment parce que le héros vit dans le noir) mais, finalement, le confident qui se confie est une idée intéressante.