Lisez des nouvelles0
Nouvelles du XIXe siècle
Nombre d’élèves de terminale S font souvent cette réflexion (de mauvaise foi) : « On n’a a pas le temps de lire ». Sous prétexte que l’élève de TS suit trente heures de cours par semaine et qu’il doit en plus travailler à la maison, il serait dépossédé de son temps et ne pourrait pas se cultiver.
Objection suspecte qui ne convainc ni les professeurs de français ni les professeurs de philosophie car, comme l’a dit le philosophe californien A. Schwarzenegger, « une journée compte plus de 24 heures ».
Il est parfaitement possible de se constituer une culture malgré le peu de temps disponible. Mais comment ? Comment débloquer dix heures pour lire Germinal ? Où trouver le temps de lire le Discours de la Méthode entre deux parties de jeux vidéo ?
Soyez efficace. Ciblez des références culturelles incontournables sans y passer un temps interminable. Dans cette recherche de l’optimum, la lecture de nouvelles est une piste non négligeable. Par définition, une nouvelle est un texte littéraire court et simple. La lecture nécessite dix à trente minutes mais fournit une référence qu’on peut ensuite mobiliser facilement dans les compositions, les dissertations et, plus tard, les concours.
Si vous voulez savoir ce que signifie « bien écrire », posez les ouvrages commerciaux écrits à la va-vite et replongez dans les classiques du dix-neuvième.
Nerval, La main enchantée, 1852
Fait divers
Sujet à des dépressions et des crises de démence, Le poète des Chimères fut « hospitalisé » à plusieurs reprises dans la clinique du Dr Blanche. Cette question de la folie réapparaît dans la main enchantée.
Nerval a traduit à vingt ans le Faust de Goethe (et l’histoire du pacte passé avec le diable a laissé des traces comme on le verra). Il est surprenant de lire que Nerval, de son vivant, craignait de ne pas voir son talent reconnu.
Résumé : Au XVIIe siècle, un commis drapier passe un pacte avec un mystérieux bohémien pour sauver sa vie. Il donne sa main en gage, pensant que cela ne lui coûtera pas mais quand cette dernière se met à gifler un magistrat les ennuis commencent.
Commentaire : Nerval est un auteur extraordinaire qu’on ne peut pas ne pas lire. Il ne verse pas dans les clichés. Les comparaisons sont parlantes. Nerval alterne un discours soutenu avec un argot parfaitement maîtrisé. Un style de « ouf », diraient les plus jeunes. Chaque page nous donne une nouvelle leçon de vocabulaire mais sans jamais perdre la clarté du propos. Nerval présente une histoire magique sur ce qui aurait pu n’être qu’un fait divers en trois lignes.
Maupassant, le horla, 18XX
Le Paranormal activity au 19e
Romancier du dix-neuvième siècle, Maupassant livre avec le Horla une histoire terrifiante sur les fantômes et la folie.
Résumé : Le héros perd ses forces peu à peu. Il sent qu’il est l’objet d’étranges phénomènes et décide de noter son évolution dans un journal intime. Au fil des jours, le narrateur perçoit une présence qui vide ses bouteilles la nuit. Devient-il fou ou est-il hanté par un esprit qui aspire ses forces ?
Commentaire : Il est sans doute intéressant de connaître le contexte de l’époque pour comprendre les différentes références (à Mesmer par exemple) mais l’histoire seule passionne par son caractère inquiétant et même glauque. À la manière d’un paranormal activity le lecteur ne peut s’empêcher de se demander, jusqu’à la fin, s’il y a… quelque chose derrière les événements anodins ou si le narrateur est simplement en train de sombrer dans la folie.
Poe, Double assassinat dans la rue morgue, 1841
« Le modèle de Sherlock Holmes »
Difficile de parler d’Edgar Allan Poe sans en passer par cette célèbre nouvelle dont vous verrez régulièrement le titre détourné, copié ou pastiché.
Lovecraft, Je suis d’ailleurs, 1926
« The outsider »
Lovecraft, la référence incontournable du fantastique. Mort dans la misère et pratiquement l’anonymat. Une imagination angoissée et terrifiante. Il livre ici une histoire inquiétante de vampire dont je ne dévoile pas la fin.
Résumé : Un homme erre dans un château.
En fait, je préfère en dire le moins possible pour laisser le lecteur profiter de l’atmosphère sombre et étouffante. Lovecraft s’est inspiré de ses cauchemars pour écrire ses nombreuses nouvelles.
Son apport au fantastique est considérable. On n’aurait pas les Twilight, un siècle plus tard, sans son œuvre bizarre et tourmentée. Si vous faîtes attention, vous constaterez que ses œuvres sont régulièrement citées dans les œuvres modernes (et je ne parle pas seulement des bestiaires de Donjons et Dragons). Par exemple, si vous avez vu récemment la cabane dans les bois, je ne dévoile pas la fin mais ce qu’on appelle les Anciens, ces dieux obscurs sont directement tirés de l’œuvre lovecraftienne.
Flaubert, Rêve d’enfer, 1837
« L’ennui esthétisé »
Biographie : Quand on dit Flaubert, on pense aussitôt Madame Bovary, Bouvard et Pécuchet, Salammbô et Education sentimentale, mais l’écrivain a également rédigé des nouvelles dans sa jeunesse.
Résumé : Le duc Arthur d’Almaröes ou du moins c’est ce que les gens croient. S’agit-il d’un ange ou d’une âme vivifiée ? Le texte ne tranche pas. Mais le diable va tenter par tous les moyens de le faire trébucher.
Com : Flaubert reprend le thème de l’affrontement de Dieu et du diable mais en déplaçant cette fois la question sur l’opposition corps/esprit. C’est un peu gnostique de réduire la problème à « la matière c’est le diable » mais la nouvelle est tellement bien écrite qu’on y prête à peine attention.
Nerval, Le monstre vert, 1837
« Un dernier pour la route ? »
Et pour finir, je conseille également la lecture de cette courte nouvelle de Nerval. Une jolie histoire qui traite symboliquement de la question de l’alcool. Je n’en dis pas plus pour ne pas gâcher le suspense.
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