Challenge: Nouvelles du XIXe siècle0
Challenge: lire des nouvelles et des novellas
J’entame le « challenge lecture » par les incontournables qui ont posé les bases de la nouvelle fantastique: les auteurs du XIXe siècle.
Nerval, La main enchantée, 1852
Fait divers
Sujet à des dépressions et des crises de démence, Le poète des Chimères fut « hospitalisé » à plusieurs reprises dans la clinique du Dr Blanche. Cette question de la folie réapparaît dans la main enchantée.
Nerval a traduit à vingt ans le Faust de Goethe (et l’histoire du pacte passé avec le diable a laissé des traces comme on le verra). Il est surprenant de lire que Nerval, de son vivant, craignait de ne pas voir son talent reconnu.
Résumé : Au XVIIe siècle, un commis drapier passe un pacte avec un mystérieux bohémien pour sauver sa vie. Il donne sa main en gage, pensant que cela ne lui coûtera pas mais quand cette dernière se met à gifler un magistrat les ennuis commencent.
Commentaire : Nerval est un auteur extraordinaire qu’on ne peut pas ne pas lire. Il ne verse pas dans les clichés. Les comparaisons sont parlantes. Nerval alterne un discours soutenu avec un argot parfaitement maîtrisé. Un style de « ouf », diraient les plus jeunes. Chaque page nous donne une nouvelle leçon de vocabulaire mais sans jamais perdre la clarté du propos. Nerval présente une histoire magique sur ce qui aurait pu n’être qu’un fait divers en trois lignes.
Maupassant, le horla, 18XX
Le Paranormal activity au 19e
Romancier du dix-neuvième siècle, Maupassant livre avec le Horla une histoire terrifiante sur les fantômes et la folie.
Résumé : Le héros perd ses forces peu à peu. Il sent qu’il est l’objet d’étranges phénomènes et décide de noter son évolution dans un journal intime. Au fil des jours, le narrateur perçoit une présence qui vide ses bouteilles la nuit. Devient-il fou ou est-il hanté par un esprit qui aspire ses forces ?
Commentaire : Il est sans doute intéressant de connaître le contexte de l’époque pour comprendre les différentes références (à Mesmer par exemple) mais l’histoire seule passionne par son caractère inquiétant et même glauque. À la manière d’un paranormal activity le lecteur ne peut s’empêcher de se demander, jusqu’à la fin, s’il y a… quelque chose derrière les événements anodins ou si le narrateur est simplement en train de sombrer dans la folie.
(je n’indique pas la date car il existe plusieurs versions de cette histoire)
Poe, Double assassinat dans la rue morgue, 1841
« Le modèle de Sherlock Holmes »
Difficile de parler d’Edgar Allan Poe sans en passer par cette célèbre nouvelle dont vous verrez régulièrement le titre détourné, copié ou pastiché.
Résumé : Le narrateur se lie d’amitié avec le chevalier français Dupin et un fait divers particulièrement monstrueux attire leur attention dans le journal. Le détective enquête sur ce qui semble être un crime inexplicable.
Commentaire : J’en dis le moins possible pour ne pas gâcher la surprise. Néanmoins j’attire l’attention du lecteur sur l’extrême qualité de cette nouvelle. Même si on est dépourvu de culture concernant l’époque, on se prend à l’enquête. Comment expliquer l’assassinat particulièrement sauvage de ces deux femmes dans une pièce fermée ? Comment rendre compte des témoignages contradictoires des premiers témoins ? Pourquoi l’or est-il toujours là ?
Le grand intérêt de la nouvelle réside dans le fait qu’on peut la lire plusieurs fois. Ma découverte de Poe remonte au collège et c’est probablement l’aspect policier qui m’a marqué. Dupin est un Sherlock Holmes à la française (créé avant le détective de Baker Street) qui résout les enquêtes en usant simplement de sa raison. N’hésitez pas à revenir sur ce texte, quelques années après. Ceux qui auront acquis entretemps une solide culture du dix-neuvième siècle vont découvrir des centaines de clins d’œil et de messages cachés que Poe avait probablement distillé pour les lecteurs de son époque. L’analyse de « l’analyse » au début de l’histoire suinte le cartésianisme. Le personnage de Dupin ne brille par sa capacité à observer (comme un joueur d’échecs attentif) mais à analyser. L’utilisation de la comparaison avec la « chaîne » de raisonnement est directement empruntée à Descartes. Poe fait référence à Vidocq et à l’évolution des techniques policières françaises au dix-neuvième. On traite de la question des probabilités (qui se développent à l’époque à lire Cournot).
En définitive, ce qui est assez drôle c’est que l’auteur, sans avoir mis les pieds à Paris, offre une peinture assez juste et détaillée de la population parisienne.
Lovecraft, Je suis d’ailleurs, 1926
« The outsider »
Lovecraft, la référence incontournable du fantastique. Mort dans la misère et pratiquement l’anonymat. Une imagination angoissée et terrifiante. Il livre ici une histoire inquiétante de vampire dont je ne dévoile pas la fin.
Résumé : Un homme erre dans un château.
En fait, je préfère en dire le moins possible pour laisser le lecteur profiter de l’atmosphère sombre et étouffante. Lovecraft s’est inspiré de ses cauchemars pour écrire ses nombreuses nouvelles.
Son apport au fantastique est considérable. On n’aurait pas les Twilight, un siècle plus tard, sans son œuvre bizarre et tourmentée. Si vous faîtes attention, vous constaterez que ses œuvres sont régulièrement citées dans les œuvres modernes (et je ne parle pas seulement des bestiaires de Donjons et Dragons). Par exemple, si vous avez vu récemment la cabane dans les bois, je ne dévoile pas la fin mais ce qu’on appelle les Anciens, ces dieux obscurs sont directement tirés de l’œuvre lovecraftienne.
Flaubert, Rêve d’enfer, 1837
« L’ennui esthétisé »
Biographie : Quand on dit Flaubert, on pense aussitôt Madame Bovary, Bouvard et Pécuchet, Salammbô et Education sentimentale, mais l’écrivain a également rédigé des nouvelles dans sa jeunesse.
Résumé : Le duc Arthur d’Almaröes ou du moins c’est ce que les gens croient. S’agit-il d’un ange ou d’une âme vivifiée ? Le texte ne tranche pas. Mais le diable va tenter par tous les moyens de le faire trébucher.
Commentaire : Flaubert reprend le thème de l’affrontement de Dieu et du diable mais en déplaçant cette fois la question sur l’opposition corps/esprit. C’est un peu gnostique de réduire la problème à « la matière c’est le diable » mais la nouvelle est tellement bien écrite qu’on y prête à peine attention.
Nerval, Le monstre vert, 1837
« Un dernier pour la route ? »
Et pour finir, je conseille également la lecture de cette courte nouvelle de Nerval. Une jolie histoire qui traite symboliquement de la question de l’alcool. Je n’en dis pas plus pour ne pas gâcher le suspense.
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