Ryle: L’esprit n’est pas un « fantôme dans la machine »0

Posted on novembre 23rd, 2012 in En terminale

Dire que nous agissons avec intelligence signifie-t-il que nous menons une double vie, l’une matérielle, l’autre spirituelle ? Dénonçant le dualisme, Ryle conteste la pertinence de la conception de l’esprit comme une réalité distincte de la matière.

[…] lorsqu’un individu, par exemple, raisonne à haute voix, fait un nœud, feinte avec son fleuret ou sculpte, les actions dont nous sommes témoins sont celles-là mêmes qu’il accomplit intelligemment. Il en est ainsi, même si les concepts qu’utiliseraient un physicien ou physiologiste pour les décrire ne correspondraient pas entièrement à ceux par lesquels ses élèves ou ses professeurs pourraient qualifier sa logique, son style ou sa technique. Son corps et son esprit sont actifs mais il n’est pas, au même moment, actif à deux « endroits » différents ou avec deux « machines » différentes. Cette seule activité admet, requiert même, plus d’un genre de description explicative. De même qu’il n’y a pas de différence aérodynamique ou physiologique entre la description d’un oiseau comme « volant vers le sud » et d’un autre comme « migrant », bien qu’une grande différence biologique existe entre ces deux descriptions, il n’y a pas nécessairement de différence physique ou physiologique entre une description d’un individu qui parle à tort et à travers et d’un

autre qui sait ce qu’il dit, bien que les différences rhétoriques et logiques entre les deux cas soient considérables.

            Interprété à la manière de certains théoriciens, l’énoncé « l’esprit est sa propre localisation » est faux car, même métaphoriquement, l’esprit n’est pas une localisation. En revanche, l’échiquier, l’estrade, le bureau de l’homme de science, le fauteuil du juge, le siège du camionneur, le studio, le terrain de football sont des localisations de l’esprit ; c’est là, en effet, que les êtres humains travaillent ou se divertissent plus ou moins intelligemment. L’ »esprit » n’est ni le nom d’une autre personne, travaillant ou se divertissant derrière un paravent opaque et impénétrable, ni celui d’un autre endroit où le travail est accompli et les jeux sont joués, ni, enfin, celui d’un autre outil ou instrument utilisé pour le travail ou le jeu.

RYLE, La notion d’esprit, 1949

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