Nietzsche: Le sujet conscient : une fiction grammaticale0
« Il est pensé : donc il y a un sujet pensant », c’est à quoi aboutit l’argumentation de Descartes. Mais cela revient à poser comme « vraie a priori » notre croyance au concept de substance : dire que s’il y a de la pensée, il doit y avoir quelque chose qui pense, ce n’est encore qu’une façon de formuler, propre à notre habitude grammaticale qui suppose à tout acte un sujet agissant. Bref, ici déjà on construit un postulat logique et métaphysique, au lieu de le constater simplement… Par la voie cartésienne on n’arrive pas à une certitude absolue, mais seulement à constater une très forte croyance.
Si l’on réduit le précepte à « il est pensé, donc il y a des pensées », on obtient une tautologie pure : et ce qui est justement en cause, la « réalité de la pensée », n’est pas touché ; sous cette forme en effet, impossible d’écarter le « phénoménisme » de la pensée. Or ce que voulait Descartes, c’est que la pensée eût non seulement une réalité apparente, mais une réalité en soi.
NIETZSCHE, La volonté de puissance, §147
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