La mètis pour sortir de la crise ?0

Posted on novembre 26th, 2011 in LA MÈTIS

Le 18 novembre 2010 Yves Richez publiait un article sur indiceRH.net intitulé « La Mètis, clé de la réussite des entreprises demain ? » que je reproduis ci-dessous:

Digne héritière de Platon, Descartes et fruit du développement des sciences, notre société occidentale s’est construite sur le dogme de la rationalité, qu’elle perpétue en persévérant dans la normalisation, la division, le contrôler, la géo-maîtrisation. Elle s’est érigée en structure géométrique avec au centre son « général » nommée idée et son N-1, le savoir droit et fixe (celui qui applique sans douter, ni réfléchir). Pourtant, l’environnement économique est marqué par une complexité omniprésente qui échappe bien à cette « norme ». Ce qui est normé n’est pas souple, ni adaptable. La norme est linéaire, statique et indifférente aux singularités et divers événements « hors norme ». Face à cela, il fallait bien que la mètis ressurgisse…

Face à cette mouvance et avec ce paradigme pour seul schéma de pensée, comment naviguer dans ses changements omniprésents ? Comment tirer parti des opportunités dans un monde humain en constante évolution ? Les entreprises qui réussiront seront celles qui sauront échapper à la normalisation de la société. Autrement dit, sortir de sa « tête » pour entrer dans le « monde » et regarder la réalité en face au lieu de s’évertuer à diviser encore plus de la même chose. Car c’est évident, seules les entreprises qui développeront leur mètis passeront les crises et autres événements « percutants ». Mais qu’est-ce donc que la mètis ?

Posséder de la métis, c’est s’adapter à la situation et non contraindre la situation à soi. C’est faire preuve d’habileté, de souplesse, de ruse, c’est à dire contourner le problème sans s’y attarder, c’est penser en terme d’opportunité, c’est à dire « en quoi ce qui arrive pose un potentiel qu’il nous faut saisir » et non « mon dieu, c’est la crise, on va tout perdre!, il faut faire le deuil, il faut s’en remettre et tenir bon, etc.».

À la fois rapide (maîtrisant ainsi les principes de lenteur), discrète et vigilante, la mètis* est cette intelligence pratique qui conjugue la dextérité, la sûreté du coup d’œil et la pénétration de l’esprit (sentir en soi l’action même). Son objectif : atteindre le succès dans un domaine de l’action, en percevant dans le réel les facteurs opportuns qu’il est possible de saisir pour s’y appuyer afin de les faire croître et les porter à leur plein effet. C’est pour cela que la mètis est prégnante chez les artisans et les pêcheurs, empreints de « bon sens » au sens propre, comme au figuré. La mètis constitue les prémices du stratège. Son plus grand ambassadeur est Ulysse et sa plus belle démonstration, le cheval de Troie. Son plus grand contradicteur est Platon et sa plus grande parade est la normalisation et la perfection. Pour Platon la mètis est synonyme de duplicité et de non vertu. La mètis est à la situation, ce que l’abstrait est au mathématique. Imparfaite, insaisissable, elle se fiche des règles, seul le résultat compte, non qu’elle n’est pas d’éthique, mais son principe même est la réussite. Le corbeau veut le fromage, non tuer le corbeau.

L’auto-entrepreneur est la normalisation d’une mètis qui s’appelle « travail au black ». La mètis a toujours une longueur d’avance sur la norme et la règle. L’antivirus le plus sophistiqué voit le jour, la mètis du pirate saura le contourner, c’est inévitable.

Un exemple historique est l’arrivée « imprévue » du brouillard à Austerlitz : ce dernier offre à Napoléon une configuration sur laquelle il s’appuie pour porter à son avantage l’infériorité numérique et l’éloignement des bases de son armée face aux Autrichiens et aux Russes, le 2 décembre 1805. C’est là un premier point de la stratégie : la situation offre une configuration particulière. C’est cette configuration qui entraîne le (fameux) potentiel « à faire advenir ». La stratégie ne relève pas du « devoir/savoir être », mais plutôt d’une aptitude à « tirer parti de ce qui (se) déroule ». La stratégie est indissociable du principe d’extériorité. La stratégie est une idée qui demande un intérêt particulier. Employé en entreprise, le mot « stratégie » est présent, discret, et pourtant son usage entend une dimension particulière : l’attention à la situation. C’est parce que les Russes et les Autrichiens restent enfermés dans leur principe de guerre géométrique qu’ils perdent cette fois-ci la guerre.

Faire preuve de mètis, c’est arrêter « le penser droit » « c’est comme ça » pour privilégier une pensée oblique « et si on faisait comme ça ? ». Faire preuve de mètis, c’est intégrer le principe de créativité, c’est rompre avec la « mission » ; c’est être en capacité de (ré)inventer la mission en cours de mission. Un changement pouvant en cacher un autre. Quand la mission Apollo 13 rencontre sa situation de crise, c’est le sens de la mètis du leader de la Nasa (Gene Kranz) qui permet de sauver la mission. Lorsque le politique dit ce que l’autre veut entendre ou détourne la question du journaliste, il fait preuve de mètis.

Concrètement, privilégier des groupes de « bêtise », c’est à dire des groupes où l’on arrête de penser « intelligent » : « Faut que je dise un truc bien… ». La mètis est à la fois rire et détours, souplesse et contours ; elle est le biais et l’oblique ; à la fois historicité et dextérité, elle prend appui sur le mouvant de la situation.

Ne la cherchez pas à l’arrêt, elle disparaît ; ne cherchez pas non plus à la mesurer, elle vous ferait un « pied de nez », car elle est certainement sous-jacente au principe de complexité, et c’est certainement pour cela qu’elle « travaille (toujours) à bien penser ».

Platon et sa descendance ont tout fait pour bannir la mètis, mais c’est une réalité. La mètis comme modus operandi est l’une des seules voies possibles pour passer les épreuves à venir, quelles qu’elles soient.

Une société ou une organisation qui intègre la mètis comme compétence à développer, celle-ci aura un avantage sur la concurrence significatif…

 

* Mètis est à l’origine une déesse grecque, première femme de Zeus, et la reine de la ruse et de l’intelligence des situations. Elle donne l’aptitude à « prendre appui sur », à « saisir l’opportunité », à « transformer la situation » qui se présente à « moi ».

 

A PROPOS DE L’AUTEUR, Yves Richez, entrepreneur, accompagnateur professionnel, auteur et chercheur, se définit comme un « agit-a[c]teur de potentiel(s) humain(s) ». Yves Richez est fondateur et directeur associé de SUCCESS Communication & Leadership ™  depuis 1996 et a conduit une recherche action sur la manière dont chacun d’entre nous peut développer son potentiel et mettre en œuvre ses capacités pour atteindre et actualiser ses formes d’intelligences.

Il est entre autre l’auteur de « Petit éloge du Héros » publié en 2009 aux éditions (Spandugino Publishing House en France et en Roumanie) et d’un roman philosophique : « Louis du vieux continent », publié aux éditions Ambre en 2005.

Yves Richez agit et publie selon ses termes dans le but de « prendre part et de contribuer à une révolution intellectuelle » dont notre société a besoin pour évoluer. Sa double formation, occidentale et asiatique, entraîne une réflexion sur une pensée moderne, revenue de ses excès de rationalisme,  qui commence à évoluer vers une perception du monde intégrant davantage le réel, la transdisciplinarité et la transculturalité.

 

Toutes ces informations proviennent du site indiceRH.net (et demeurent leur propriété).

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