Alien Covenant : Finalisme contre mécanisme0
Pour les élèves qui ont « le vivant » au bac, je rappelle qu’un film est seulement un exemple servant à illustrer, ce n’est pas un argument.
La première scène du film expose un débat philosophique pluriséculaire entre finalisme et mécanisme : l’humanité est-elle apparue par « hasard » suite à une série de réactions physico-chimiques (thèse mécaniste) ou a-t-elle été crée intentionnellement avec un but (thèse finaliste) ? Le personnage de Wayland se positionne ouvertement pour le finalisme puisqu’il est persuadé que l’humanité a été crée et veut comprendre pourquoi.
Le rapport entre Wayland et l’androïd David est le même qu’entre les ingénieurs et les humains: c’est un rapport créateur – créature et tout le film tourne autour de la question de la « création » (y compris les scènes sur la création artistique).
Les ingénieurs ont créé intentionnellement les humains. Pourquoi ?
Wayland a créé l’androïd David pour le servir.
L’androïd David a créé les aliens parce qu’il veut créer la forme de vie ultime.
Même le personnage du commandant du Covenant est présenté comme un personnage religieux, porté par sa foi. Or les croyants sont généralement finalistes (ils supposent que Dieu a créé l’humanité et l’univers dans un but).
Tous les personnages du film semblent pencher pour la thèse finaliste alors que le film lui-même semble prendre du recul.
Nombre de spectateurs se sont plaints de l’inutilité du film : il n’apporte rien à l’univers, ne fait pas avancer l’intrigue. Il se pourrait que la non-réponse du film soit une réponse en elle-même, au sens nietzschéen. Le réalisateur voulait peut-être dire que plusieurs personnes cherchent désespérément un sens à la vie alors qu’il n’y en a pas. Le film est construit sur une épanadiplose, c’est-à-dire que le film commence et finit sur le même morceau de musique, indiquant par là la circularité du récit. Est-ce qu’on a eu le sentiment de tourner en rond ? Probablement.
Pour aller plus loin
Le mécanisme est une théorie qui explique les phénomènes par les causes efficientes. Pourquoi est-ce que je marche ? Parce que mes muscles mettent en mouvement mon corps.
Le finalisme est une théorie qui explique les phénomènes par les causes finales. Pourquoi est-ce que je marche ? Parce que j’ai l’intention d’aller quelque part.
Il existe des mécanistes dès l’Antiquité comme Epicure mais c’est la théorie finaliste d’Aristote qui « gagne la bataille des idées ». Durant le Moyen-âge chrétien, c’est l’idée d’un finalisme religieux qui domine: Dieu aurait créé le monde et l’humanité dans un but. Le problème de cette thèse, pour Spinoza, est qu’elle entretient l’ignorance et l’obscurantisme. C’est pourquoi le philosophe hollandais a fortement remis en question cette doctrine au dix-septième siècle.
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